Dans la tourmente : voilà un terme qui qualifierait assez justement ce qu’on pense du scénario du nouveau film de Christophe Ruggia. Si l’on ne doute à aucun instant des bonnes intentions du réalisateur, le résultat laisse sceptique, mélange de film noir sur le couple, l’amitié, l’argent, l’engagement syndical, le thriller social, amalgamant les scandales financiers et politiques, les affaires de ventes d’armes, l’Angola-gate, Clearstream et Moulinex. L’exercice est impossible à accomplir sans une somme d’invraisemblances qui sont autant de couleuvres difficiles à avaler pour le spectateur.
Un exemple parmi d’autres : Franck a braqué son patron dans la nuit, volant une mallette de deux millions d’euros. Dans sa fuite, il s’est fait mordre le bras par un chien, s’est pris une balle en plein visage, la police est partout le lendemain matin. Incapable d’avouer son forfait à Hélène, sa femme, il invente un stratagème où elle est censée découvrir elle-même l’argent enterré dans une décharge à proximité de son domicile. Improbable, voire grotesque (« Tiens chérie, regarde, qu’y a-t-il sous cette portière de voiture, oh ! Un sac de billets, d’où viennent-ils ?! Vite, ramenons-les à la maison ! »), on ne peut pas croire qu’Hélène soit suffisamment naïve pour gober une telle histoire. On serait tenté d’être indulgent avec ces défaillances du scénario si le dernier acte, une chasse à l’homme dans les Calanques de Marseille n’enfonçait le clou. Franck et son ami Max parviennent à échapper à la police, aux hommes du GIGN, aux hélicoptères, dans une longue séquence impossible à croire… à moins d’être vraiment très crédule.
C’est d’autant plus dommage que Christophe Ruggia a l’air d’une grande sincérité dans son propos et même pourvu de bonnes références cinématographiques. Il y a de bonnes choses dans ce film : comment l’apparition d’une grosse somme d’argent, au lieu de résoudre les problèmes financiers d’un couple, le met au contraire en danger, le tiraillement entre les différentes formes d’actions syndicales, les relations d’amour et d’amitié qui unissent les trois personnages principaux. Mais il aurait relevé de la responsabilité d’un bon producteur d’éviter cette tentation de la surenchère, du trop plein qui font que le film, dans son numéro d’équilibriste, finit par se casser très vite la figure. Pourquoi consacrer un tel budget dans la scène des Calanques alors que le spectateur n’y croit pas une seule seconde ? N’y avait-il pas d’autres moyens pour signifier le passage de la noirceur à la lumière qui est l’intention manifeste du cinéaste ? Le film ne choisit jamais, veut trop dire et tout montrer, aller dans toutes les directions si bien que, in fine, il ne va nulle part.
Note: