«OCNI» comme objet cinématographique non identifié. D’aucuns diraient – sans ironie bien sûr – que ce film appartient au style «finlandais», d’autres affirment, en sortant troublés de la séance : «Le dogme est mort, vive le dogme !».
Allez, histoire d’être consensuel (ne sommes-nous pas en année d’élection présidentielle ?), j’affirme que c’est avant tout un film d’Aki Kaurismäki dans toute sa dimension étrange, déroutante, poétique et engagée. Du vrai «cinéma d’auteur», tout simplement. L’année 2011 se finit bien.
Dès les premières minutes, on se plonge immédiatement dans l’univers si particulier du réalisateur nordique. La photographie, le cadrage, les dialogues et l’action de la première scène donnent le ton : anachronique, burlesque, décalé et absurde…Un peu violent comme immersion, surtout lorsqu’on est pas préparé.
Après un haut-le-coeur et quelques regards interrogateurs dirigés vers votre ami, que vous avez persuadé de venir voir le «dernier Kaurismäki» sous couvert du grand prix du jury à Cannes décerné à son fameux L’homme sans passé de 2002, vous commencez très rapidement à vous accoutumer à ce style si particulier, voire à y prendre du plaisir ! ( et tant pis pour votre ami).
On comprend alors très rapidement le double sens que sous-tend le titre. La ville du Havre disparaît petit à petit au profit d’un havre, d’un territoire imaginaire. Une enclave étrange où se croisent des destins improbables : un ancien écrivain cireur de chaussure interprété par André Wilms dont la voix noble et l’interprétation théâtrale vous poursuivent encore, un flic désabusé et humaniste comme sait si bien le faire Jean-Pierre Daroussin, Little Bob jouant son propre rôle, ou encore ce voisin réactionnaire animé avec brio par Jean-Pierre Léaud.
Cette galerie de personnages bigarrés se retrouve mêlée malgré elle à une histoire de clandestinité. Des immigrés sont retrouvés dans un conteneur sur le port du Havre et un jeune Africain arrive à s’échapper sous les conseils avisés de son grand-père. Notre migrant fait la rencontre du cireur de chaussures qui n’aura alors de cesse de le faire rejoindre l’Angleterre.
Ce thème déjà abordé dans de nombreux films (Welcome, Illegal, l’Afrance, etc.) trouve ici une résonance toute particulière. Entre conte et réalité – certaines images issues de vrais journaux télévisés accentuent particulièrement cette dualité permanente – Aki Kaurismäki, véritable auteur engagé (rappelons que, invité à la cérémonie des Oscars en 2003, le réalisateur a refusé de se rendre aux Etats-Unis afin de dénoncer l’invasion Irakienne) invente ici un territoire où la valeur de «résistance» n’appartiendrait pas qu’à une époque révolue peuplée d’hommes bottés en uniforme.
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