Direct to video en France, l’absence de programmation en salles est une sanction un peu sévère pour ce Dredd qu’on imaginait comme une série Z honteuse, mais qui s’affirme de façon inattendue comme une excellente série B couillue. Le film dispose en effet de suffisamment d’arguments pour convaincre à condition de ne pas se montrer trop exigeant. Il parvient d’abord à retourner son budget modeste en sa faveur en resserrant les enjeux de l’intrigue dans un lieu unique : Peach Trees, immense building de 200 étages qui se veut le microcosme d’une cité post apocalyptique plus vaste, Mega City One. Exit donc une représentation à la Blade Runner de la ville futuriste gangrenée par la misère et la violence. En choisissant la verticalité comme option de son récit, Alex Garland (le scénariste de La plage, 28 jours plus tard ou Never Let me go) évacue toute reconstitution onéreuse qui n’est pas permise par ses moyens. La narration repose donc sur une progression de type vidéo ludique où chaque étage serait le niveau d’un jeu d’arcade. On pense immédiatement à The Raid dont l’action se situait également dans l’espace réduit d’un immeuble contrôlé par la pègre, avec ce que cela implique comme répétitivité dans la narration. En résumé, il s’agit pour l’essentiel de défourailler des vagues successives d’ennemis pour dézinguer le boss du dernier étage.
En l’occurrence, Dredd n’est pas avare en action, à défaut d’être équilibré dans son contenu, l’intervalle entre les séquences de fusillade réussissant moins à captiver l’attention. Heureusement, le film est assez honnête pour ne pas être hypocrite dans sa représentation de la violence. C’est plutôt trash et frontal, à l’aise dans ses excès d’hémoglobines et ses visions de torture radicales. Il faut dire que le film ne s’embarrasse guère de psychologie inutile pas plus qu’il ne s’interroge sur le côté fascisant de la justice rendue. Tout au plus le personnage de la jeune recrue qui fait ses classes auprès du Juge Dredd permet-il de contrebalancer le côté expéditif et monolithique de ce dernier, mais tel n’est pas non plus le discours principal du film. Dredd ne fait pas dans la dentelle, son héros est masqué du début à la fin, pour signifier une forme de justice aveugle qui s’abat sans aucune autre forme de procès. On n’en voit que la mâchoire sur laquelle vient se figer un rictus inversé, qui prononce ponctuellement des punchlines sympathiques. Si l’humour est assez grossier, il n’empêche pas de sourire, notamment quand on apprend que Ma-Ma – qui règne en maître sur le trafic de drogue – s’est vengée de son ancien souteneur en le castrant « avec les dents » !
Visuellement, si le film atteint très rapidement ses limites, il est tout de même loin d’être honteux et propose même des séquences assez impressionnantes de ralentis extrêmes justifiées par l’utilisation d’une drogue – le Slo Mo (pour slow motion) – qui donne au consommateur une impression de lenteur ultime. On regrette l’utilisation d’effets d’arcs-en-ciel et de halos lumineux pendant ces passages mais le procédé est utilisé de façon judicieuse lors d’une fusillade, permettant de découper l’action de façon lisible et de détailler avec précision l’impact des balles sur les victimes. Avouons-le, nous sommes tout de même très loin de Robocop, Pete Travis n’est pas Paul Verhoeven et n’a que faire des questions de morale ou de politique, Dredd ne cherche pas à accéder à un discours sur la justice ou la corruption, il vise avant tout à une efficacité immédiate qu’il atteint sans trop de difficulté. Cette posture totalement décomplexée et jamais cynique est à la fois la principale qualité du film mais aussi son défaut, on n’imagine pas qu’il produise un effet durable sur le spectateur. A moins que la suite – Dredd est envisagé comme une trilogie – ne vienne nous contredire.
Dredd, sortie le 11 février 2013 en dvd, blu-ray, blu-ray 3D (Metropolitan Video)
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