On s’en doutait après l’échec public et critique de La jeune fille de l’eau, pour M Night Shyamalan, plus rien ne sera comme avant. Car avec ce conte fantastique en forme de critique au vitriol du modèle hollywoodien, le réalisateur s’est mis à dos toute la profession, des studios aux tabloïds. Accusations d’intransigeance et d’égocentrisme très prononcé, absence de remise en question, le retour de bâton est très dur pour celui qui fut présenté en son temps comme un petit génie digne de succéder à Steven Spielberg au titre de wonder boy. En conséquence, M Night Shymalan a dû écrire son nouveau scénario dans son coin et le soumettre aux diktats des studios pour avoir la chance d’occuper une nouvelle fois le fauteuil de réalisateur. Et au vu du résultat, on ne peut que constater qu’il a mis de l’eau dans son vin pour ne plus être considéré comme le vilain petit canard d’Hollywood.
Phénomènes contient en effet tout le renoncement d’un réalisateur autrefois inspiré, qui savait à la fois surprendre tout en démontant explicitement la mécanique du suspense et de la terreur. Le film manifestait pourtant une ambition toute simple : faire peur avec… rien ! Car en incarnant la menace par l’environnement naturel, la nature, les arbres, l’air, le vent, M Night Shyamalan avait l’occasion de réaliser Les oiseaux… sans oiseaux. Cela nous vaut une ou deux séquences assez efficaces dans leur déroulement et leur découpage, où les personnages tentent d’échapper à une brise meurtrière dans un champ ou, quand le trou dans le toit ouvrant d’une voiture condamne ses occupants à la mort. La mise en place, dans le premier quart d’heure est aussi spectaculaire, avec ses séquences de suicide collectif précédées d’une suspension des mouvements de foule assez terrifiants. C’est bien peu, surtout à considérer que le reste baigne dans le ridicule le plus absolu.
M Night Shyamalan échoue dans tous les registres où il excellait il n’y a pas si longtemps : caractérisation des personnages, direction d’acteurs, conduite de l’intrigue, à tel point qu’on se demande en observant ce naufrage si on n’assiste pas à un nouvel opus de la série Scary Movie, tant tout ici flirte avec la parodie involontaire. Comme lors de la confession de Zooey Deschanel à Mark Wahlberg qui lui avoue, prise de remords, qu’elle lui a menti en lui cachant qu’elle a été manger un tiramisu avec un collègue après le travail. Et lui, de rétorquer qu’il a acheté du sirop pour la toux uniquement pour mater les jolies fesses de la pharmacienne ! On croit avoir atteint le comble du ridicule : que nenni ! Car M Night Shyamalan nous réserve une scène tristement mémorable où Mark Wahlberg s’adresse sérieusement à une plante d’intérieur avant de s’apercevoir qu’il s’agit d’une imitation en plastique. Triste. Car pour prononcer des lignes aussi grotesques, les acteurs affectent des mines ahuries dignes d’un Charlie Sheen dans Hot Shot. Sauf que dans ce deuxième cas, la parodie est manifeste.
Comme si cela ne suffisait pas, le réalisateur nous assène une morale écologique de circonstance et un discours sur la famille et la paternité, écœurant de moralisme bien pensant. Car si le but de l’histoire pour le couple de héros est le chemin qui les conduit à avoir un enfant, on ne comprend pas vraiment la galerie de personnages secondaires qu’ils croisent dans leur périple. Quelle est la fonctionnalité de cette recluse à moitié folle qui les accueille chez elle dans un remake involontaire de Misery ? À quoi rime la fascination de ce botaniste pour les hot-dogs ? Que signifie le meurtre de ces deux ados par un réfugié adepte d’armes à feu ? On ne sait pas, on ne saisit pas bien où M Night Shyamalan veut en venir, quel est le sens de son propos. Il n’est certes pas aidé par une production si riquiqui qu’elle interdit toute scène d’ampleur collective (on a rarement vu séquences d’évacuation aussi peu hystériques que dans ce film, un comble quand l’humanité est menacée) et qui aurait pu faire décoller le film dans son dernier acte. Précisément au moment où il se conclut.
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