Diversion, des réalisateurs américains Glenn Ficarra et John Requa, marque le retour de Will Smith à l’écran, en tête d’affiche, deux ans après l’échec d’After Earth. Les cinéastes nous délivrent une proposition qui allie comédie romantique et film d’arnaque, sans vraiment trouver le juste équilibre, jusqu’à s’éteindre complètement dans sa seconde partie.
Les noms de Glenn Ficarra et de John Requa ne vous disent peut-être rien et pourtant. Révélés comme scénaristes du décapant Bad Santa, ils avaient fait grand bruit lors de l’édition 2009 de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, en présentant I love you Phillip Morris avec Jim Carrey et Ewan McGregor. Exégèse du « Carrey Movie », le film hissait les réalisateurs comme potentiels dignes successeurs des Frères Farrelly, en proposant une comédie grinçante à l’humour potache et sans limite. Derrière la couche affreuse, sale et méchante du film, on sentait déjà poindre dans les motifs des cinéastes, un goût pour la manipulation, les effets de masque chers à Jim Carrey, les emboîtements scénaristiques. Et cela fonctionnait.
Diversion, troisième long métrage des Américains, après leur second opus Crazy Stupid Love, reprend la trame de ses motifs avec un scénario sans ellipse qui va droit au but.
Le pitch est assez simple. Nicky (Will Smith) est passé maître en escroquerie. À la tête d’une bande de joyeux dégénérés, il arnaque à tout-va, avec une méthodologie bien particulière : la diversion ou l’art de contrôler l’attention. Il rencontre Jess (Margot Robbie vue dans le Loup de Wall Street) dans un hôtel de luxe new-yorkais, elle-même apprentie criminelle, version femme fatale. Visiblement sous le charme, Nicky décide de la recruter et lui apprend toutes les ficelles du métier. C’est à la Nouvelle-Orléans, qu’ils commettent leurs premières arnaques ensemble, en maniant les scénarios les plus alambiqués possibles. Alors que Jess tombe amoureuse de Nicky, il décide de la virer brutalement. Ils se recroisent 3 ans plus tard à Buenos Aires.
Le film se découpe donc en deux parties. La première, la plus réussie, nous plonge avec une bonne dose d’humour et une coolitude assumée, dans le monde de la manipulation. Les stratagèmes sont inventifs et les deux héros portent l’action avec un enthousiasme communicatif. Le film est fluide, stylé, rythmé et avance assez facilement jusqu’au dénouement de la première super arnaque dans l’enceinte du Super Bowl, sorte de climax à plusieurs millions de dollars. On retrouve le ton des Ocean’s chers à Soderbergh, mais avec une posture plus décalée, moins propre sur soi, un peu cul terreux.
Rien de révolutionnaire donc, mais du divertissement de studio efficace qui ne se prend pas au sérieux avec des dialogues ciselés et un certain art de la vanne.
C’est après que les choses se gâtent sérieusement. Lorsque le film prend, à mi-parcours, un tournant assez radical et inattendu vers la bluette amoureuse, la rom’com’ formatée, celle où d’habitude on retrouve Jennifer Anniston ou Ashton Kutcher dans des compositions au mieux fades. Et ce qui devait être une mise en abyme de ce que l’on donne à voir par le cinéma devient un truc profondément ennuyeux et paresseux, sans inventivité ni exigence scénaristique.
Et c’est précisément là que les réalisateurs déçoivent. La manipulation est un formidable motif de cinéma. On attendait d’eux qu’ils aillent au bout de leur ambition en proposant un pur film de mise en scène qui se réponde d’une partie à l’autre. « Drama, I’m excited », déclame l’un des personnages escroqués. On aimerait l’être tout autant. Et si le tour de passe-passe n’était rien d’autre qu’une escroquerie aux spectateurs. C’est exactement le goût amer qui nous reste en bouche à l’issue d’un épilogue en eau de boudin.
Reste le couple Will Smith et Margot Robbie que l’on retrouvera prochainement dans Suicide Squad, nouvelle production de super-héros pilotée par David Ayer. Si Will Smith nous offre une composition en pilotage automatique à la « regardez comme je suis cool », c’est l’australienne Margot Robbie qui tient en revanche le rythme du film, même dans sa seconde partie.
Glenn Ficarra et John Requa avaient suscité beaucoup de curiosité dès leur premier film, en s’imposant comme les électrons libres capables d’apprivoiser la logique de studio. Crazy Stupid Love avait déçu par manque d’ambition et d’écriture. Diversion devait être la réhabilitation de ces deux talents, mais aussi celle de Will Smith. Sur les deux tableaux, c’est perdu.
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