Honnêtement, il faut admettre qu’on n’attendait pas grand-chose de The Avengers. Autant le projet ressemble à un vrai rêve de geek à qui l’on permettrait de jouer avec toutes ses figurines de super héros favoris sans restriction, autant les premiers trailers dopés aux punchlines foireuses et aux money shots de circonstance laissaient craindre le pire : un blockbuster sans âme et indigeste dopé par son budget pharaonique de 220 millions de dollars. Pourtant, nos a priori sont très vite balayés pour laisser place à un constat sans appel : The Avengers est un spectacle total, à proprement parler hallucinant qu’il faut absolument voir sur grand écran pour en goûter le gigantisme. Mais ce qui surprend le plus, au-delà de sa capacité à produire sans discontinuer des morceaux de bravoure d’anthologie, c’est la façon dont le film parvient à gérer la masse monstrueuse d’événements paroxystiques et la somme d’interactions entre les personnages développés au sein d’un scénario d’une gourmandise sans limite, sans se pendre les pieds dans le tapis.
Artisan de cette réussite : Joss Whedon, connu de tous les fanboys pour être le créateur de la série Buffy et les Vampires. On n’imaginait pas sa capacité à tenir la barre d’une aussi grosse production, mais ses qualités de showrunner en font au final le parfait capitaine pour mener à bien une telle entreprise. C’est grâce à lui que ce rassemblement de super héros évite la simple accumulation de caractéristiques particulières ou l’addition étanche d’univers propres. Il permet au contraire une cohabitation de chacun au sein du groupe, sans pourtant recourir à une quelconque forme d’équité démocratique de traitement, ni à une caractérisation excessive des personnages. Point d’exposition interminable ici, le film entre très tôt dans le vif du sujet et c’est dans l’action que chaque personnage trouve sa place dans le projet global et dans sa relation aux autres. Au sein de cette réunion, Iron Man est certainement le personnage le plus central, à la fois dans son rapport à Bruce Banner (Hulk), son alter ego scientifique et à Captain America qui provoque un véritable choc des cultures : d’un côté le symbole d’une propagande nationaliste rétrograde attaché à la valeur de solidarité au combat et de l’autre, un milliardaire égocentrique et cynique.
Les autres protagonistes ne sont bien sûr pas laissés de côté. Blackwidow se définit essentiellement dans sa relation à Hawkeye et Thor dans celle à une forme de mythologie unissant ce rassemblement de super héros qui sont autant de dieux ayant le pouvoir de sauver la planète de la destruction. Il faut, pour incarner tous ces personnages, des acteurs à fort potentiel. Si Robert Downey Jr est déjà familier d’Iron Man, il met un bémol à son jeu en roue libre qui s’avérait un véritable atout dans la réussite du premier volet, mais qui devenait poussif dans le second opus en date des aventures de l’homme d’acier. Saluons plutôt l’interprétation de Mark Ruffalo, dont on sait qu’il est excellent par ailleurs chez Scorcese ou Fincher, mais dont le choix pour enfiler les pantacourts de Hulk n’apparaissait pas une évidence. Il apporte à son personnage le mélange subtil de rage et de fragilité qui en font une figure tragique. Jeremy Renner, quant à lui, véritablement révélé dans Démineurs, le chef d’œuvre de Kathryn Bigelow et futur Jason Bourne dans la suite de la franchise confirme qu’il est un acteur à la fois physique et subtil. Unique bémol, le personnage de Loki, le méchant de l’histoire et frère de Thor, traité davantage comme un bouffon cornu que comme une dangereuse Némésis.
Le film fonctionne en deux blocs d’action spectaculaire quasi ininterrompus : la bataille aérienne dans le vaisseau furtif des Avengers et le combat final au cœur de Manhattan, qui ne laissent aucun répit au spectateur. On ne cesse de se dire que la production n’a pas lésiné sur les moyens : le film justifie à lui seul de payer sa place de cinéma et d’en prendre plein les mirettes, sur grand écran. Mais ce qui étonne le plus, c’est l’extrême élégance avec laquelle Joss Whedon réussit in fine à rendre cohérent ce qui se déroule sous nos yeux en maîtrisant parfaitement les valeurs d’échelles, en réussissant systématiquement à rendre lisible les scènes d’action plutôt que de recourir au procédé facile de la shaky cam et en permettant la complémentarité des compétences de chaque héros dans le combat qu’ils livrent contre le mal. La victoire, au bout du compte, est signifiée comme une forme de revanche contre le terrorisme (les références finales au 11 septembre sont manifestes) et contre le totalitarisme (la séquence allemande du refus de s’agenouiller devant le tyran). Le film, comme les bandes dessinées de super héros dont il s’inspire, trouve alors sa justification dans les événements réels de l’histoire et permet aux Avengers d’accéder alors à une fonction iconique et catharcistique. Quand le procédé est utilisé aussi efficacement qu’ici, on veut bien laisser tomber nos résistances et marcher à fond dans la combine.
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