Lazaretto, deuxième livraison solo de l’ancien White Stripes/Raconteurs/Dead Weather/producteur de Loretta lynne et Wanda Jackson est, tout comme son prédécesseur un album frustrant. Frustrant parce qu’on y décèle toujours un talent immense, une voix et un jeu de guitare remarquables mais tout cela en permanence réduit à néant par une hésitation constante entre modernité et tradition. Jack white devient chaque jour un peu plus réac depuis qu’il n’est plus membre des White Stripes. Ce que sa musique avait de percutant et frais se transforme peu à peu en pose. « Me voilà, dernier bastion de la sacro-sainte tradition ». Cela était évident chez les Raconteurs, un peu moins Chez Dead Weather.
Toutefois, il serait injuste d’assimiler White à un simple ersatz de la nostalgie. Il a ce mérite de travailler énormément et d’essayer tout ce qu’il peut pour insuffler un peu de vie dans un genre moribond. Contrairement au dernier Black Keys et à sa production faussement vintage, Lazaretto possède un son qui lui est propre, étrange alchimie de sonorités anciennes/bois qui craque (les batteries, la seconde voix ressemblant à s’y méprendre à celle de Keith Richards) et nouvelles (tout le joyeux bazar de bruits étranges qui viennent ponctuer des chansons autrement assez classiques.) Les chansons, voilà justement ce qui fait le plus défaut à cet album. La première, Three Women (reprise de Blind Willie MC tell) ressemble un peu au single de son précédent opus, Sixteen Saltines. C’est un gros machin plein de testostérone, rudement bien joué et chanté, qui dégage autant d’énergie qu’une pile nucléaire et s’oublie instantanément. Lazaretto, la chanson, est un mélange entre rock et rap assez proche de ce que faisaient les Dead Weather sur leur premier album. C’est en tout cas plus entrainant que Three Women qui est ce qu’on appelle un faux départ. Jack White se démène comme un diable et on se surprend à bouger la tête.
Puis il vient calmer tout ça avec un bluegrass qu’on pourrait très bien trouver sur Exile On Main Street, qui a tout de même près de 50 ans d’âge. Apparaît alors la fâcheuse seconde voix. Elle va revenir sur plusieurs chansons. Loin d’apporter quoi que ce soit d’utile ou émouvant, elle donne un coté niais et déjà vu à tout ce qu’elle touche, une vraie faute de goût. Partout ailleurs, les chansons forment un ensemble de pièces détachées mises ensemble tant bien que mal à renfort de glue extra forte. Certains éléments adhèrent bien et finissent par former des merveilles. Certains morceaux sont par contre franchement ennuyeux. White semble vouloir insuffler un peu de folie en ponctuant certaines chansons d’effets sonores « expérimentaux ». Cela fonctionne parfois, comme sur High Ball stepper, dont l’énergie rappelle de bons moments, mais ne dissimule pas les défauts de l’album. Il faut tout de même préciser que Jack White n’a jamais aussi bien chanté que sur cet album. Sa voix fait d’ailleurs des merveilles sur Entitlement, petite perle de pluie toute en douceur et discrétion, que White n’a pu s’empêcher de ponctuer d’une slide guitar. L’homme a des réflexes, que voulez-vous. C’est lent ? Amenez la slide guitar.
Malgré son immense talent, white peine donc à renouveler son univers sonore. Et malgré les qualités évidentes de ce qui reste un bon album, il ne va pas bouleverser quoi que ce soit ni faire danser quiconque. Allez tout de même l’écouter parce que Jack White a suffisamment rendu de services au monde pour qu’on lui accorde une chance pendant les cinquante prochaines années. Il nous a sauvés du Grunge, ne l’oubliez jamais.
Jack White – Lazaretto (Xl recordings)
Note: