On les entend encore ricaner, ceux qui prédisaient le pire pour Man of steel sur la seule annonce du nom de son réalisateur : Zack Snyder. Mal aimé celui à qui l’on doit 300, souvent qualifié de fan boy un peu bourrin, dénué de toute notion de finesse. Il est vrai que Zack Snyder est peu à son aise quand il s’agit de manipuler des contenus politiques ou historiques, vidant le Zombie de Romero de sa charge contre la société de consommation et faisant des Spartiates du comics d’Alan Moore de gros beaufs fascisants. Pour le reste, il faut avouer que sa filmographie est loin d’être aussi honteuse qu’on voudrait bien le faire croire. Si l’on s’en tient à sa production la plus récente, on peut même affirmer que les compétences du bonhomme ne cessent de s’améliorer, qu’il s’agisse de narration comme de mise en scène pure, en termes de grammaire cinématographique – valeur et durée du plan, notion de cadre -. Avec Watchmen, il a réalisé l’un des films les plus pertinents sur la mythologie du super-héros, dense et complexe, qui a su capter l’essentiel du contenu du graphic novel d’Alan Moore, pourtant réputé inadaptable. Le royaume de Ga’Hoole est sans doute ce qu’il est arrivé de mieux au genre de la fantasy depuis Don Bluth. Quant à Sucker Punch, s’il cumule tout ce qui fait crispation chez Zack Snyder, on ne peut pas s’empêcher de trouver la démarche de recyclage des formes – manga, jeux vidéo, cinéma de genre – très généreuse et décomplexée.
On redoutait davantage la « nolanisation » de Superman, le réalisateur de The Dark Knight étant producteur de Man of steel et son scénariste, David S. Goyer aux commandes du script. On pouvait craindre qu’il ne fasse de nouveau passer le kryptonien par son processus de déconstruction de la mythologie du super-héros qui est devenu la tarte à la crème des adaptations Marvel et DC Comics. Heureusement, Man of steel ne se plie pas à ce strict logiciel attendu, ce qui ne l’empêche pas de proposer une vision très adulte et psychologique du personnage, notamment basée sur son déracinement et son adoption par les Terriens. Le film explore assez intelligemment le conflit moral qui ronge Clark Kent, entre le secret de ses origines et de ses super pouvoirs et la révélation au Monde de sa véritable identité. Au centre de ce conflit, les deux figures paternelles sont centrales – avec l’un des plus beaux rôles de Kevin Costner, très émouvant en Jonathan Kent – et permettent au film de décliner des figures bibliques comme l’abandon, l’adoption (par un père et une mère, par un peuple), la filiation, les notions de choix et de responsabilité, la croyance en un être supérieur qui pourrait signifier le salut de l’humanité. Superman, dont on nous sur-signifie à plusieurs reprises qu’il a 33 ans (suivez mon regard), prend des poses christiques, les bras en croix, et s’éloigne assez de la version très comic book de Richard Donner sans toutefois l’invalider ou la rendre caduque pour autant.
On a le sentiment que Zack Snyder fait systématiquement les bons choix, dans sa façon de se démarquer du modèle de 1978 tout en s’en réappropriant les figures et en les réinventant. Il donne au production design un côté plus organique dans les costumes des kryptoniens, comme dans les vaisseaux – voire même un aspect phallique, involontaire (?) – là où Richard Donner jouait sur des volumes et des surfaces plus froides (le verre, la glace, le cuir des costumes des bad guys…). Les premières scènes d’action font craindre le pire dans son utilisation inappropriée de la shaky cam mais on est très vite rassuré lors des séquences de vol de Superman. On n’a plus cette impression de voir un acteur soulevé par des câbles devant un écran bleu mais bel et bien une sensation de vertige, de mouvement et de vitesse supersonique. La narration déjoue la structure chronologique attendue en organisant un réseau de flash backs toujours très fluides et signifiants d’un point de vue de la dramaturgie. Man of steel alterne ainsi entre l’ambition psychologique et le grand spectacle qui culmine dans un dernier acte de destruction massive totalement époustouflant. Superman et Zod s’y affrontent comme des Dieux descendus de leur Olympe, les décors de Metropolis se réduisant alors à l’échelle de vulgaires Lego. Le moindre coup porté prend des proportions gigantesques, les personnages traversent les buildings comme du carton, et Zack Snyder semble prendre un plaisir manifeste à organiser cet immense jeu de massacre. Il s’amuse comme un gamin qui détruirait ses jouets et dans ces instants-là, n’est pas près de rallier ceux qui lui reprochent ce genre d’excès.
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