Depuis maintenant une bonne décennie, nombre de films hollywoodiens procèdent de la même démarche : remonter aux origines d’un mythe, exposer au grand jour sa genèse, raconter le pourquoi du comment. Ainsi en va-t-il pour James Bond, Batman, X-Men… On montre l’enfance du héros, un trauma originel, comment la légende est née.
La Planète des singes : les origines obéissait bien sûr à cette logique : narrer comment la planète Terre a pu finir par être dominée par des singes et les hommes réduits à l’esclavage. Autrement dit, fournir toute l’explication au dernier plan traumatisant du film original, quand Charlton Heston découvrait la statue de la Liberté enfouie dans le sable et comprenait qu’il était revenu sur sa propre planète, mais bien des années après.
Cette entreprise de détricotage du mythe est souvent jouissive : il y a du plaisir à voir le voile se lever. Le grand spectacle hollywoodien s’expose aussi dans cette voie à un risque considérable de déperdition en puissance de fascination. Qui a envie de revoir un tour de magie une fois que l’astuce a été révélée ? À croire que le mystère n’intéresse plus personne et que toute naïveté s’est volatilisée.
Le premier volet de La Planète des singes version 2011 – prequel, remake, reboot ? On ne sait plus trop bien – appelait nécessairement une suite. Il montrait le chimpanzé César développer des facultés mentales hors du commun et prendre la tête d’une révolution simiesque. Dans la conclusion du film précédent, les singes de San Francisco s’affranchissaient du joug des hommes et trouvaient refuge dans une forêt de séquoias. Il y a fort à parier que la saga se poursuive au moins jusqu’à retrouver la situation du tout premier film La Planète des singes.
Dans le nouvel épisode, Matt Reeves (Cloverfield) a remplacé Rupert Wyatt aux commandes. Même s’il est bien mené, le film souffre de la comparaison avec son prédécesseur. La Planète des singes : les origines était en effet fort bien scénarisé, la façon dont le lien entre le chimpanzé César et son maître/père interprété par James Franco emportait l’adhésion. Il faut dire tout ce que Andy Serkis fait comme merveilles en prêtant son corps et son visage à la motion capture. Cet homme est un peu le Alex de Leos Carax dans Holy Motors, qui s’achevait – tiens donc – dans une séquence où homme et singe formaient une même famille.
La Planète des singes : l’affrontement est bien de son temps et prend naturellement pour cadre un décor post-apocalyptique : de Edge of Tomorrow à Godzilla, les derniers blockbusters nous promettent tous un avenir bien funeste. L’espèce humaine est en voie d’extinction suite à une épidémie de grippe, donnant lieu à des affrontements pour la survie (nous sommes en quelque sorte dans la suite du Contagion de Soderbergh). Pour subsister, les derniers survivants vont avoir besoin de la coopération des singes. Ce qui ne va pas de soi, puisque vu à quel point ils les ont maltraités, les singes sont peu enclins à s’allier aux humains. Mais César, le leader, doit tout à feu Will Rodman (James Franco dans Les Origines), le chimiste qui l’a recueilli et grâce à qui il a développé les facultés ayant permis son émancipation.
Le film s’emploie alors à nous montrer les tentatives d’établissement de la paix entre les deux communautés, humaine et simiesque. L’affrontement pour le titre n’aura pas tant lieu entre elles, qu’entre César le juste et Koba, le bonobo haineux des hommes et avide de pouvoir, prêt à tout pour la victoire des singes. Pris entre les deux, Blue Eyes, le fils de César, semblant porter toute la misère du monde dans ses yeux, tiraillé entre désir de vengeance et sens de la justice.
Le film montre dès lors la communauté des singes comme parfaits reflets des humains et comme imitateurs de leurs maux : même soif de guerres, d’injustice et de racisme. Tout ça rappelle très fort La Ferme des animaux d’Orwell. L’allégorie fonctionne si bien que le scénario en oublie quelque peu les humains, bien fades. Dans le rôle-titre, Jason Clarke n’a pas le charisme de James Franco.
Le film est fort efficace dans le récit de l’installation de dynamiques politiques qui détruisent et sapent le vivre-ensemble. Très chargé en noirceur, plus violent, il aurait gagné à se débarrasser d’un solide quart d’heure, par exemple dans les séquences émotionnelles qui tombent toutes à plat, là où l’opus précédent achevait de convaincre.
Sortie le 30 juillet 2014
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