Documentaire de 70 minutes consacré à Dominique A,La mémoire vive est projeté dans une salle parisienne, Le nouvel Odéon, avant une sortie en dvd à la fin de l’année. Réalisé par Thomas Bartel, journaliste à Magic RPM et photographe, le film suit le chanteur visiter les lieux où il a grandi, à Nantes et à Provins. Dans l’appartement de ses parents où il enregistra La fossette, Dominique A ouvre le tiroir de son bureau et ressort les cahiers où il écrivait ses textes, explore sa collection de vinyles et de cassettes, rebranche son quatre pistes sur lequel il enregistra ses premiers morceaux, recrée dans sa salle de bain les conditions de prise de son de La folie des hommes en ouvrant les robinets du lavabo et du bidet pour restituer le son de l’eau qui coule dans le morceau. Il est beaucoup question des racines dans le film, en termes géographique mais aussi littéralement de lien au sol (« On me fait souvent remarquer le côté massif que j’ai sur scène, que je n’avais pas sur les deux premières tournées où je chantais sur la pointe des pieds ».) On y découvre un artiste total et authentique, qui se pose beaucoup de questions et dont on imagine que le travail d’écriture est indispensable à son équilibre. « Le jour où j’arrêterai d’écrire, je crois que je n’en aurai plus pour longtemps », dit-il avant de se lancer dans une course folle, comme un moyen d’échapper à la gravité, fuir la nostalgie, rester vivant.
Versatile Mag : Quel est ton rapport à Dominique A et à sa musique ?
Thomas Bartel : J’ai découvert tout d’abord son 2e album, Si Je Connais Harry, sorti en 94. J’étais en fac d’anglais à Paris, j’avais 20 ans et j’écoutais beaucoup de rock alternatif américain comme Sebadoh, Sonic Youth et Pavement. Ou du punk féministe comme Bikini Kill et Sleater-Kinney. Je désespérais de la frilosité et des archaïsmes de la chanson française. Et lorsque que l’on m’a copié une cassette (!) de La Fossette, j’ai été bouleversé par la démarche de Dominique A : la mise à nu, l’ambiguïté de la voix, le caractère rugueux et parfois électrique de certaines chansons. Le geste artistique pur. C’est toujours ce qui m’a fasciné chez lui, sa façon de se mettre en danger d’un album à l’autre (cf. Remué en 1999), de tenter des nouvelles choses quitte à ne pas plaire.
Comment est née l’idée du documentaire ?
L’idée m’est venue spontanément après une interview de Dominique pour le journal Magic, où il était question de la réédition de tous ses albums : je l’ai trouvé tellement intéressant et touchant que j’ai sauté le pas en lui proposant de le filmer, avant même d’avoir l’idée de faire un film sur lui ! Je me disais que je n’aurai pas d’autres occasions aussi belles.
Quand le film a-t-il été tourné ?
Le tournage a débuté sans production, en janvier 2012. Dominique devait rejouer en live, lors d’une résidence à Fouesnant en Bretagne, l’intégralité de La Fossette ainsi que l’intégralité de son nouvel album Vers les lueurs
Qu’est-ce qui a incité Dominique A à accepter ce projet ?
Dominique a progressivement accepté : c’était une période où il était déjà très sollicité de toutes parts et son emploi du temps était surchargé. Il s’est décidé le jour où je lui ai envoyé mon précédent documentaire coréalisé avec Benoît Mouchart sur Brigitte Fontaine. Il a été très ému par ce portrait d’une artiste qu’il n’aimait pas beaucoup avant cela.
Qu’as-tu découvert de lui pendant le tournage ?
L’envers de ce que ces disques peuvent parfois renvoyer, à savoir un côté solaire, une énergie et un humour très communicatifs. C’est aussi quelqu’un de simple, qui a les pieds sur terre. Il fait montre de beaucoup de recul sur le statut de l’artiste et ne se laisse pas emporter par les sirènes du succès.
Comment as-tu choisi les morceaux qui illustrent le documentaire ?
Les morceaux que j’ai choisis servaient à étayer d’une manière métaphorique les thèmes que je creusais avec lui pendant les scènes : le courage d’être soi, d’aller au bout de ses désirs, de ne pas se conformer à un moule (musical ou identitaire) c’est le <Courage des oiseaux bien sûr. Le rapport à un espace bienfaisant et à la fuite c’est Close West. La rupture amoureuse et la solitude, c’est Ce qui sépare. Les Terres brunes >illustre très bien le rapport ambivalent qu’on peut entretenir avec son propre passé et les prisons de l’enfance qu’on peine à quitter…
Y avait-il une idée « narrative » au départ ?
Je m’étais fixé de travailler principalement autour du passé du chanteur, d’avancer à rebours dans la vie de Dominique pour capter ce qui pouvaient être les racines de sa musique. J’aime construire le documentaire comme une fiction, en fixant les thèmes et le cadre où mon sujet va évoluer, tout en laissant faire la spontanéité, le hasard, l’inconscient entre le filmeur et le filmé. L’idée de mélanger le live et la vraie vie s’est tout de suite imposée dans l’écriture du projet. La lecture musicale d’Y revenir est tombée à pic au moment où je filmais Dominique, elle est devenue un pivot de la narration.
La mémoire vive – Actuellement au cinéma
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