Désormais solidement installé parmi les rendez-vous incontournables des festivals de l’été, This is not a love song ouvre la saison avec de solides arguments : une programmation une nouvelle fois exemplaire sur un site à taille humaine et un accueil convivial qui en fait une véritable alternative aux gros rassemblements tels que le Primavera Sound à Barcelone. On arrive donc confiants sur le site de Paloma et les seuls aléas qui pourraient gâcher la fête sont ceux de la météo, qui fait plutôt grise mine depuis quelques semaines et les grèves de la SNCF, qui compliquent le transport des festivaliers à Nîmes. Pour ce qui nous concerne, nous sommes déjà devant la grande scène pour le set de Ty Segall et son groupe les Muggers. Le chouchou de TINALS a une attitude, à n’en point douter, il débarque sur la scène avec le masque en caoutchouc un peu effrayant d’un bébé, qu’il brandit comme un trophée et n’enfilera que tardivement pendant le set. Il joue de façon excessive un côté barge et décalé comme Ariel Pink l’an dernier, mais musicalement, le groupe produit un garage rock plutôt classique, qui ne nous convainc pas tout à fait.
On circule donc rapidement d’autant plus qu’une de nos priorités du week-end joue dans quelques minutes dans le Club de 300 places. Car Seat Headrest, c’est le groupe de Will Toledo, jeune songwriter talentueux de 22 ans qui a déjà treize albums au compteur, la plupart enregistrés à la maison et diffusés sur Bandcamp avant qu’il ne soit repéré et signé sur Matador, label sur lequel il a sorti ses deux derniers opus. Véritable phénomène de l’indie rock, Will Toledo alterne aussi bien les balades folk avec ses tubes low fi inspirés par Pavement et la scène underground américaine. D’abord raide comme un piquet, Will Toledo se lâche petit à petit, en même temps qu’il fait monter l’ambiance avec des titres aussi imparables que Vincent, Fill in the blank, Drunk Drivers/ Killer Whales ou Connect the dots (qui inclut un extrait de Gloria), sur lequel il esquisse quelques pas de danse. C’est sûr, Will Toledo a beaucoup de talent et une qualité de songwriting très précoce, aussi bien poétique que réaliste dans la description de la vie d’un teenager américain. Le festival vient à peine de démarrer et on tient déjà l’un des meilleurs concerts de ce week-end, Car Seat Headrest ne fera pas mieux quelques jours plus tard à Toulouse au Saint des Seins, devant à peine une cinquantaine de spectateurs. On aura tout de même droit à la reprise de Paranoid Android de Radiohead pendant Vincent, ce qui n’est déjà pas si mal.
Direction la grande scène pour le concert de Explosions in the sky, dont on attend beaucoup de son post rock atmosphérique. Malheureusement, le groupe ne parviendra jamais à faire décoller un set plat et systématique dans ses effets, où on n’atteint jamais les sommets tutoyés dans le même genre par Mogwai ou Godspeed You ! Black Emperor. Plongé dans une semi obscurité, sans aucune lumière directe, Explosion in the sky convoque un ennui poli là où ses coreligionnaires cités plus haut sont en capacité de vous exploser le cerveau à force de répétition et de ruptures, et grâce à leurs structures mélodiques complexes et ascensionnelles. Rien de tout cela ici, et c’est une grande déception qui nous fait regretter de n’avoir pas préféré Kamasi Washington qui joue en même temps dans le Club.
On se dirige vers la grande salle de Paloma pour le concert de Yak, groupe repéré par Jack White à la faveur de concerts fiévreux, et signé sur son label Third Man Records. Il n’en faut pas plus pour créer une hype inévitable autour du trio. Alas Salvation, son premier album est sorti quelques jours plus tôt et c’est vrai qu’il a de sérieux arguments à défaut d’installer une véritable identité. On a parfois l’impression que le groupe mange à tous les râteliers, certes avec efficacité mais pour un résultat quelque peu décousu. Et sur scène, Yak ne convainc aussi qu’à moitié. Certes, une grosse énergie est déployée avec Oliver Henry Burslem en leader qui tourne en sur-régime, mais le chanteur qui joue aussi les claviers et de la guitare est beaucoup trop dans la performance. Il ne sait plus quoi faire pour sur-signifier la punk attitude, se retrouve sans chaussures, se lance dans les premiers rangs ou balance sa guitare dans le public, enchaine les canettes de bière dont il jette les cadavres sur scène. À mi-concert, la messe est dite, on a fini complètement par nous désintéresser de ces gesticulations un peu vaines, n’est pas John Dwyer qui veut.
Ce soir, c’est Foals qui est programmé en tête d’affiche. Le groupe de Yannis Philppakis dont le dernier opus, What went down est sorti l’an dernier, tourne intensivement depuis un an. Et sur scène avec Foals, il ne faut pas s’attendre à des surprises majeures, on ne serait pas étonnés en observant les setlists de cette tournée de constater qu’ils jouent systématiquement les mêmes titres depuis le début. Alors certes, les morceaux de leur dernier effort s’intègrent plutôt bien dans le concert, What went down ou Mountain at my gates apportent une énergie rock qu’il n’y avait pas sur Holy Fire. Le set est bien rôdé, très efficace et pro, avec un lightshow un peu élaboré. Mais si tout ceci est en effet assez excellent, cela manque surtout beaucoup d’émotion, les visites du chanteur dans le public sont programmées sans aucune spontanéité et la place laissée à Jimmy Smith, le guitariste au centre de la scène à tout l’air réservée pour contenter les fans énamourées des premiers rangs. Foals conclut donc sans génie une première journée en demi-teinte, pas vraiment décevante mais sans état de grâce.
Crédit photo : Prune Phi
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