En terme de chantage à l’émotion, Alabama Monroe équivaut à peu près au calvaire enduré à la vision de Les bêtes du Sud sauvage, avec lequel il partage les mêmes méthodes nauséabondes pour soutirer à tout prix les larmes du spectateur. On a beau avoir une sympathie particulière pour le cinéma flamand qui est régulièrement synonyme d’audace et d’inventivité, il faut bien se résoudre à admettre en la circonstance qu’en se drapant des oripeaux du mélodrame classique, Alabama Monroe fait preuve d’une malhonnêteté crasse et d’absence de distance pour susciter l’émotion à tout prix, fût-ce au forceps, fût-ce en ayant recours au procédés les plus putassiers. On n’aime pas spoiler, mais le spectateur doit être mis au courant a minima de ce qui l’attend là : une enfant de six ans qui meurt d’un cancer au bout d’une heure de film et comme si cela ne suffisait pas, le suicide de la maman qui n’arrive pas à reconstruire sa vie, juste avant le générique de fin. De quoi faire passer les malheurs de la famille Ingalls dans La petite maison dans la prairie pour un épisode de Benny Hill !
Sur le sujet de la maladie d’un enfant, La guerre est déclarée, en misant sur l’énergie, en faisant le pari de la comédie, des ruptures de ton, évitait le voyeurisme larmoyant dans lequel se complet Felix Van Groeningen. On ressortait du film de Valérie Donzelli avec un sentiment de vie, là où Alabama Monroe fait le choix inverse – facile et factice – de précipiter ses personnages dans le malheur systématique et la prostration. On n’évite donc ici jamais les scènes obscènes de l’hôpital pour enfants, avec force piqûres dans la colonne vertébrale, vomissements, pertes de cheveux, sans qu’à aucun moment la petite fille n’existe vraiment, ne soit incarnée autrement que comme un accessoire nécessaire à l’accablement général qui règne tout le long. Il y a du Lars Von Trier là-dedans, dans cette notion perverse et tortionnaire de la mise en scène, qui ne laisse aucune chance et aucun espoir aux personnages, les condamne dès le début, dans cette hystérie quasi permanente qui tient lieu de sentiments et de relations entre les êtres.
Felix Van Groeningen filme à la façon de Terrence Malick comme si le paysage flamand était un décor des grands espaces américains, à l’identique de Michaël R. Roskam qui shootait Bullhead tel un western. Il y a une fascination pour les Etats-Unis qui s’incarne à la fois dans la mise en scène mais aussi dans la musique bluegrass, une forme de country qui ponctue régulièrement la narration au point d’en sur-signifier lourdement chaque élément du récit. De la même façon que la structure éclatée, qui n’a comme fonction que de faire des raccourcis grossiers sur le symbolisme lourdaud du film, qui s’incarne sur un mode binaire simpliste. La fascination pour les Etats-Unis trouve ainsi son contraire dans la colère face à la politique outre-Atlantique qui interdit les recherches médicales sur les cellules souches au nom de la religion. Didier est athée tandis qu’Elise a la foi. Elle croit en la vie après la mort alors que lui s’y refuse. Tout ceci se traduit à l’écran par des séquences sur le mode de l’hystérie assez gênants pour les acteurs, tel ce discours sur Yahvé totalement hors de propos. Non, il vaut mieux revoir Douglas Sirk car en cet Alabama-là, point de miracle.
Note:
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