Un postulat gouverne la saga depuis son origine : plus les missions sont impossibles, plus elles sont, précisément, possibles pour l’agent Ethan Hunt et ses collègues. A la suite du quatrième opus, ce nouvel épisode fait de cette maxime un gag à répétition. Pas étonnant, puisque Christopher McQuarrie déjà scénariste sur Protocole Fantôme endosse ici la casquette de réalisateur.
Il s’agit donc, à chaque nouvelle péripétie, de repousser plus loin de cran d’improbabilité des exploits de Tom Cruise et sa bande. Sur cela repose la jubilation du spectateur.
La franchise, après un épisode 3 un peu pataud, a pris une nouvelle vigueur avec l’arrivée aux manettes du 4 du transfuge de Pixar, Brad Bird. La flexibilité corporelle des personnages entrait en écho avec celle de la famille des Indestructibles. Des corps souples, pliables à souhait aux volontés de l’intellect, comment ne pas y voir aussi une correspondance avec le cuistot-pantin Linguini gouverné par le rat Rémy caché sous sa toque dans Ratatouille ?
L’image de la marionnette était déjà présente dans la franchise Mission Impossible : souvenons-nous de la séquence du premier opus où suspendu à un fil, Ethan Hunt doit récupérer une disquette dans une chambre forte.
Nul mieux que Tom Cruise ne pouvait être l’acteur pour incarner Hunt, car précisément flexible à l’envi, connu pour accomplir ses cascades lui-même ; bref : un corps qui peut tout faire.
Ou presque…
C’est à ce « ou presque » que tient la jouissance éprouvée devant le film. Car contrairement aux super-héros qui abreuvent nos écrans et dont on commence à avoir plus que soupé, Hunt est un presque-super-héros, ayant poussé ses capacités physiques au plus loin mais s’aidant tout de même du renfort technologique. Et la technologie n’est-elle pas une presque-magie, risquant de faire défaut aux moments cruciaux ? Sur cela repose le gag de la première séquence où Hunt tente de pénétrer un avion au décollage et que Benji s’escrime sur une tablette à lui ouvrir la bonne porte.
A comparer Mission Impossible aux derniers James Bond, on distingue des logiques quasi-contraires. Dans les nouveaux volets consacrés à l’agent britannique, il s’agissait de faire ployer 007 sous le poids d’un passé, de lui dévoiler des failles enfouies, et surtout de le dépouiller de tout un attirail de gadget. Le but : le rendre, précisément, moins super-héros, plus « réaliste », plus proche des agents à la Jason Bourne. Le final de Skyfall où le héros confectionne ses armes artisanalement et se bat à l’arme blanche en est symptomatique.
Mission Impossible a donc une logique différente, plus sophistiquée, plus raffinée ; et fait de son héros un croisement de Buster Keaton et des Looney Tunes. Dynamique de slapstick : le rire et les sueurs froides surgissent conjointement quand le postulat de départ («tout est possible ») se frotte au réel.
Beaucoup du plaisir tient aussi au fait qu’on a affaire à des films de bande. Quand bien même Cruise est une star, le héros qu’il incarne n’est rien sans le renfort de son équipe. Bonne idée de cet épisode 5 d’avoir choisi Simon Pegg comme second rôle principal à la place du plus sexy mais moins drôle Jeremy Renner. En forme d’émissaire du spectateur dans le film, il s’étonne et s’exclame face à l’improbabilité des situations en écho à nos propres réactions. A la suite d’un spectaculaire accident de voiture, quand Cruise se relève sans peine, lui, complètement sonné, semble lui faire office de double « comme dans la vraie vie ».
Autre atout et non des moindres de Mission : Impossible – Rogue Nation : la nouvelle venue Rebecca Ferguson dans le rôle d’Ilsa Faust, une agent double si ce n’est triple, si ce n’est quadruple, allez savoir. Car c’est bien elle, miroir féminin de Cruise, qui est capable des mêmes exploits. Que le film la laisse en dernière instance tailler sa route sans tomber dans les bras du héros achève d’en faire une héroïne enthousiasmante.
Alors certes, suite à un épisode qui va jusqu’à s’auto-parodier (ah ! les sempiternels masques en latex), les limites de l’exercice commencent peut-être à se dessiner, mais gageons que l’inventivité l’emportera toujours sur la routine.
Note: