Tim Burton pour les nuls – A priori, L’étrange pouvoir de Norman avait tout pour séduire, l’idée d’associer le genre du cinéma d’horreur à la technique du stop motion, davantage utilisé pour les films d’animation destinés aux enfants, pouvait donner un résultat capable d’inclure les deux publics dans un même geste cinématographique. Le précédent métrage des studios Laika, Coraline, n’avait cependant pas réellement convaincu. Pourtant réalisé par Henry Selick, à qui l’on doit L’étrange Noël de Mr Jack, le film ne parvenait jamais à s’extraire de son système binaire répétitif et à une iconographie gothique qui tournait très vite au gimmick. Il faut se résoudre à l’avouer malgré le niveau des attentes initiales, L’étrange pouvoir de Norman est aussi une œuvre de copiste, un pitch de producteurs malins incapable de transcender un concept original, de lui donner du souffle et un niveau de complexité qui l’empêcherait d’être résumable en deux mots (un film d’horreur en stop-motion) et lui permettrait d’échapper à son influence majeure : Tim Burton.
L’étrange pouvoir de Norman récite en effet son catéchisme burtonien en bon disciple ayant retenu sa leçon au chapitre «les freaks ne sont pas forcément ceux que l’on croit », selon le bon vieux système des valeurs inversées. Dans le film, Norman, gamin borderline qui parle aux morts pourrait ainsi être le personnage le plus normal d’une galerie qui n’est pas épargnée par les clichés. Sa mère a l’air dépressive au dernier stade et shootée aux médocs, son père bedonnant se refuse à comprendre sa progéniture et son oncle, outcast familial, sauve en fait secrètement la ville tous les ans d’une méchante sorcière en récitant des passages de La belle au bois dormant. Dans son environnement scolaire, son tortionnaire – Norman est bien sûr la tête de turc de son collège – appartient lui-même à une catégorie marginale avec ses écarteurs d’oreilles et sa prof soutient la comparaison zombiesque avec son masque à l’argile vert. Au rayon des méchantes créatures, les revenants patibulaires auxquels on essaie d’échapper s’avèrent être le jury maudit d’un procès qu’ils regrettent depuis trois siècles et la sorcière vindicative une petite fille victime accusée de communiquer avec les morts.
On serait prêt à accepter une telle logique imparable si ce programme n’aboutissait à une morale des plus convenues : une réconciliation globale au bout d’un récit initiatique où ce n’est pas Norman qui apprend, mais tous ceux qui gravitent autour de lui. Une fois l’étrange pouvoir du rejeton accepté, sa différence entendue, l’american way of life peut reprendre ses droits, tout rentre dans l’ordre, la petite famille peut de nouveau se réunir autour du poste de télévision… Alors il est vrai que l’animation en stop motion a ce côté charmant du travail d’artisan, fait à la main. C’est techniquement assez bluffant mais mis au service d’un récit complètement dysfonctionnel avec un ventre mou central dans la bibliothèque de la mairie incompréhensible en terme de dynamique narrative. Le film ne fait pas rire, tout juste sourire ponctuellement, ennuie rapidement et finalement nous donne juste envie de revoir Evil Dead ou Edward aux mains d’argent. Ce qui n’est déjà pas si mal.
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