Au fil des années, les thrillers coréens commencent à avoir leurs règles, leurs thématiques, leurs essences. Et c’est très souvent la vengeance qui se retrouve au centre de l’intrigue et anime les personnages dans leurs aspirations et leurs choix. Après Old Boy, A bittersweet life, The Chaser ou encore No mercy, Confession of murder s’inscrit dans la lignée des « vigilante » qui arrive en bout de course, produisant un effet de déjà vu intense qui pourrait en lasser certains. Cependant, Byeong-Gil Jeong, qui signe ici son premier long métrage, aura le mérite d’apporter un élan énergique à ses scènes, optant pour un côté action grand spectacle complètement absurde et démentiel faisant écho à Die hard ou Matrix. Régressif certes mais assumé.
Nous sommes au début des années 90 et la caméra nous dévoile une Corée du sud où les médias et la célébrité maculent les valeurs et le sens critique de la population. Et on se demande si ce n’est pas pour cette raison que les éléments (eau, neige) qui polluent constamment la ville ne sont pas en réalité une métaphore imagée de cette société rongée par un mal dévorant. La fascination pour les tueurs en séries a toujours existé, demeurant pour l’imaginaire collectif le monstre de l’époque contemporaine, comme le vampire ou le loup-garou. Il est celui qui nous effraie, qui nous fait trembler. Frémissement de peur ou d’excitation ? Parfois la frontière est mince et le sujet de notre terreur devient celui de notre fantasme. Les sentiments se troublent, se confondent, jusqu’à nous ronger totalement, gouvernant nos chairs et nos esprits. En psychologie, cette pathologie est désignée comme l’hybristophilie, ou le syndrome de Bonnie et Clyde. Prenons comme exemple Landru, qui a massacré dix femmes au début du siècle dernier. Il aurait par la suite, reçu pendant ses trois années d’incarcération plus de 4 000 lettres d’admiratrices dont 800 demandes en mariage. D’où nous vient ce goût, ou du moins cet attrait pour le morbide, la violence poussée à l’extrême ? La machine culturelle du vingtième siècle a sans doute contribué à créer cette popularité. Les films ( Le Silence des Agneaux, triomphe du genre réalisé par Jonathan Demme, a raflé pas moins de cinq Oscars en 1992) les séries (Dexter) ou les livres plaçant les tueurs en série comme des héros ne se comptent plus. Dans Confession of murder, nous verrons avec aberration, l’obsession insensée de la population envers un tueur en série repenti, alimentée avec perversion par les médias et la télévision, levant le voile sur une immoralité malsaine.
Les personnages qui pourraient être interchangeables de films en films, ne brillent pas par leur originalité. L’antihéros, entêté et désobéissant est l’inspecteur Choi, hanté par le poids de son passé, voulant faire sa propre loi. Son antithèse c’est le criminel qu’il poursuit, tueur qui nous apparaît masqué, d’un calme dérangeant et d’une habilité à s’enfuir. La première séquence les réunit dans une course poursuite effrénée sous une pluie diluvienne sur les toits de la ville. La caméra s’emballe, tantôt en point de vue subjectif avec les gouttes d’eau visibles sur l’objectif, tantôt en caméra portée cascadeuse qui saute habilement d’un toit ou passe adroitement sous une voiture. Byeong-Gil Jeong place le spectateur au cœur de son dispositif, créant une mise en scène imbibée de tension où chacun se sent concerné. La fin de la rencontre se signera de l’échec de l’inspecteur qui se verra défiguré d’un sourire immortel par le meurtrier. Quinze années s’écoulent ensuite, et tandis que notre policier se noie dans le regret, les familles des victimes n’ont pas oublié et cherchent encore à se venger. Là aussi, nous ne sommes pas épargnés des stéréotypes du « tu as tué ma mère, je vais te tuer », et la loi du Talion fait une nouvelle fois partie intégrante de l’intrigue. Au confins de ce quotidien empli de haine et de frustration et tandis que les meurtres du tueur en série viennent d’être prescrits, un spectacle médiatique ébranle tout le pays. En effet, l’ancien tueur refait surface en sortant un manuscrit détaillé de ses assassinats, disant vouloir faire acte de repentance. S’amorce alors une nouvelle enquête, l’auteur est-il vraiment celui qu’il prétend être ? Il est perçu comme un bel homme soigneux et élégant, ce qui contraste fortement avec les atrocités qu’ils a commises. Véritable célébrité, il possède de nombreux gardes du corps et est toujours accompagné de la lumière des flashs. Il semble être quelqu’un d’important, qu’il faut préserver, aduler. La société se montre clémente, elle l’apprécie, le désire. Outre les familles des victimes qui voit leur désir de vengeance s’exalter. Cependant, le plus intéressant est la réaction de Choi et surtout l’image qu’il va renvoyer. Entre faux-semblants et jeu des apparences, l’inspecteur devient le reflet du meurtrier, que ce soit par l’attitude, les actes, les paroles ou le look, transcendé par le prisme de la télévision ? Il parait plus dangereux que le meurtrier lui même. Le monde actuel serait-il devenu à ce point naïf et superficiel ? Les préjugés sont-ils les futurs vertus courantes ? Le cinéaste, à travers l’exemple d’un tueur en série élevé au rang de star, interroge la société sur les médias et leur pouvoir de manipulation.
Plusieurs scènes iront dans la surenchère donnant l’impression, parfois, de sortir du thriller pour la comédie cartoonesque ou pour le drame lacrymal. Le réalisateur ne parvient pas à fusionner ces divers horizons et le mélange des genres parait bien trop souvent brouillon et confus. La séquence extravagante de course poursuite sur un brancard rompt avec le final émouvant accompagné de violon larmoyant et de ralentis appuyés. Le désir de vengeance des familles est traité avec sérieux mais prend parfois l’allure d’une farce de mauvais goût. C’est en ce sens, que les intentions du réalisateur paraissent nébuleuses, et nous ignorons s’il faut prendre son long métrage au premier ou au second degré. Si les bifurcations scénaristiques ravivent ponctuellement l’intérêt du spectateur et témoignent une nouvelle fois la facilité des Coréens à twister ses thrillers, Confession of Murder se perd dans son ambition et sa générosité.
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