Nous avons tous peur du noir. Nous frémissons tous un instant, lorsqu’un nuage vient étouffer la clarté de la lune. Depuis toujours, nous avons voulu capturer cette lumière précieuse, à travers le feu, des lampes et plus récemment, grâce à une application sur un téléphone portable. Avouons-le, les ténèbres nous offusquent, nous plongent dans un vide vertigineux où le danger peut surgir à tout moment, de tous côtés, sans nous laisser une once de survie. L’obscurité est le berceau dans lequel se matérialisent toutes nos angoisses et les films d’horreurs en deviennent alors les inquiétants orateurs. Imaginez à présent une peur omniprésente, où même le soleil ne vous permettra pas de reprendre votre souffle, une crainte que la lumière ne pourra jamais apaiser. Cette épouvante frénétique ravivera en vous cette sensation enfantine, celle qu’on ressent lorsqu’on s’élance à perdre haleine dans la cour de récréation poursuivi par un camarade de classe. Le jeu du chat et la souris. Et dans It Follows il vous faudra courir vite, très vite.
It Folows est le second long métrage du cinéaste David Robert Mitchell, présenté en compétition à la Semaine de la critique au festival de Cannes 2014 et au Festival du Cinéma Américain de Deauville. Il obtiendra un accueil enflammé à cette vingtième édition de l’Etrange Festival. L’histoire relate les aventures de Jay, belle adolescente de 19 ans qui se retrouvera victime d’une malédiction après avoir eu des rapports sexuels avec son petit ami. Hantée par une créature prenant diverses formes, elle se retrouvera traquée, condamnée à une menace éternelle, à une fuite sans aucune trêve. Et c’est dans une tension omniprésente que le film arrivera à nous plonger dans un univers inquiétant. Gardez les yeux ouverts, restez aux aguets, chaque spectateur dans la salle de cinéma nous paraît suspect.
Si le dispositif de mise en scène est particulièrement important dans les films horrifiques, le réalisateur proposera un style singulier et élégant, où l’esthétisme est mis à l’honneur. Les images sont parfaitement maîtrisées, rappelant parfois le grain de Gus Van Sant ou encore l’architecture de Carpenter, avec de longs et intenses travellings et des panoramiques effrénés. Le danger demeure, avec ardeur et exaltation. La mort n’a jamais semblé aussi proche. Et pourtant David Robert Mitchell parvient à insérer des plans emplis d’une douce poésie. Quelques brins d’herbes déposés sur un genou, une fleur effleurée délicatement du bout des doigts après l’instant charnel, des nuages qui s’effilent, l’eau qui s’agite. Le croisement de ces images constitue ce qu’on pourrait qualifier, comme le revendique si bien le réalisateur, de « beau » film d’horreur.
Impossible de ne pas mentionner l’ambiance sonore, rappelant fortement les thèmes musicaux classiques des années 80 (Halloween de Carpenter, en 1979). Arpèges pesantes et imposantes, créant une atmosphère mystique et dévastatrice. Entité omniprésente nous enveloppant avec fougue dans sa partition. Nous féliciterons également les acteurs. Comme pour The Myth Of The American Sleepover, son remarquable premier long (inédit en salles françaises, mais disponible depuis peu en vidéo), l’auteur met en scène de jeunes figures interprétés par des comédiens débutants. Il réussit à en ressortir de la plus belle manière les émotions qui les animent, la stupeur et les tremblements qui les gagnent peu à peu. Mais c’est surtout l’étonnante Maika Monroe – que l’on avait pu déjà voir cette année dans Last Days Of Summer – qui irradie l’écran, telle une Jamie Lee Curtis (dépucelée) des temps modernes. On est saisi par sa douleur et sa peine.
Prônant subtilement la prévention – MST pouvant rimer avec Malédiction Sexuellement Transmissible -, le réalisateur ne sombre jamais dans la facilité et s’abstient de tourner des séquences érotiques de façon frontale ou gore (comme les récents torture porn), l’évocation suffisant amplement. Et cette pudeur intelligente permet justement de rester dans un climat angoissant et crédible. La magie de la peur opère. Les poils se hérissent, le pouls s’accélère. Profondément novateur et singulier dans l’art d’effrayer, It Follows serait-il un chef d’œuvre en devenir ?
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