Moebius, le dernier opus du coréen Kim Ki-Duk, fut présenté à la Mostra de Venise de 2013 précédé d’un doux parfum de scandale, et pour cause : le film a bien failli ne pas obtenir de visa d’exploitation en Corée du Sud. Lui était reproché un contenu singulièrement choquant. L’intrigue repose en effet sur rien de moins qu’une affaire de pénis sectionnés, à laquelle s’ajoutent un viol collectif, de l’inceste et autres réjouissances.
Nous découvrons à présent le film dans le cadre de l’Etrange festival. Le film sortira-t-il un jour dans les salles françaises ? Il faut l’espérer.
Soit une famille lambda : le père, la mère, le fils unique. Le père entretient une relation adultérine avec une jeune épicière. L’épouse trompée décide de se venger en tentant de sectionner le sexe de son mari. Comme elle n’y parvient pas, elle s’attaque alors à celui de son fils pendant son sommeil, puis s’enfuit du foyer. Quand il découvre cela, le père décide de se faire opérer pour se débarrasser de sa virilité. Et ce n’est là que le début d’une suite de péripéties pour le moins douloureuses.
Pourtant, Moebius est un film qui fait rire. Rire en serrant les dents, mais rire tout de même. Car par ses partis-pris, le cinéaste oriente d’emblée son film vers la farce. Les personnages n’ont pas une ligne de dialogue, il sont soit absents, soit inaudibles, prononcés derrière des vitres. La musique est également quasiment absente. L’expression des individus passe alors uniquement par des grognements, des râles de plaisir ou de douleur. Ces onomatopées qui sortent de leur bouche, les sévices à répétition, parfois au bord de l’insoutenable, tout contribue à les faire ressembler aux personnages de cartoon à la Chuck Jones. Quant aux séquences que passent le père et le fils sur Internet pour se renseigner sur les greffes d’organes génitaux masculins et sur les moyens (pour le moins bizaroïdes) d’atteindre le plaisir sans leur engin, elles sont à se tordre de rire. Au delà de son aspect superficiellement brouillon – caméra instable, image numérique pas bien belle – Kim Ki-Duk montre des grands talents de mise en scène. Car si elle est synonyme de direction de regard, alors il n’est quasiment question que de ça ici : montrer ce qui est vu, montré, dissimulé, et aux yeux de qui. Une très grande partie des gags repose sur les tentatives des protagonistes pour masquer leur infirmité. Le regard, c’est aussi l’adultère et l’inceste exposés aux yeux des uns et des autres, relançant les désirs de vengeance des protagonistes.
Loin d’être complaisant, le film s’avère parcimonieux en hémoglobine et joue la carte de la suggestion. Il s’aide beaucoup des bruitages et passe plus de temps à montrer les expressions ahuries et très suggestives des personnages face à ce qui leur arrive, que des éléments proprement gore.
Bien sûr, au bout d’une heure trente, l’exercice s’avère un peu vain et il y a de quoi se demander ce que Kim Ki-Duk cherche à nous dire. Que le foyer familial est un espace cauchemardesque, de jalousie, de rancœurs et de désirs incestueux, un nid d’une violence larvée ? Si l’ambition du film se limitait à expurger cette violence en permettant un rire libérateur, alors elle est tout à fait atteinte.
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