Dans un – bon – film d’horreur il y a souvent trois éléments essentiels. Primo, la mise en scène, l’identité visuelle. Secundo, la singularité et l’originalité qui permet de ne pas sombrer dans un ultime remake de remake. Et tertio, un équilibre entre « l’horreur » et la « normalité ». Si ce troisième point est discutable, The Neighbor et Transfiguration, deux œuvres américaines projetées à L’Étrange Festival 2016, dépeignent chacun une horreur quotidienne si anxiogène et si appuyée qu’elle offusque plus qu’elle ne terrifie.
The Neighbor est la troisième œuvre de Marcus Dunstan dont on connaît le penchant pour l’horreur outrée et excessive, depuis ses – médiocres – scénarios des épisodes IV à VII de la saga Saw et sa sympathique réalisation The Collector, ainsi que sa suite, The Collection, quant-à elle très dispensable. Ici, s’il semble changer d’air en centrant l’histoire de son film dans le midwest et ses affreux descendants des sudistes trash et racistes, ce n’est qu’un leurre. Davantage un thriller violent qu’une réelle production horrifique, The Neighbor bénéficie encore de la présence de l’acolyte de Dunstan à l’écriture, Patrick Melton, ainsi que leur acteur fétiche, Josh Stewart (jouant John). Ce dernier s’installe avec sa compagne (Rosie) dans un village en apparence paisible et ils font rapidement la connaissance de leur inquiétant voisin. Lorsqu’un jour John rentre chez lui et découvre que Rosie a disparu, celui-ci va se retrouver dans une horrible affaire à la mécanique perverse.
Transfiguration est pour sa part, le premier film de Michael O’Shea et fut présenté à Cannes, dans le cadre d’Un Certain Regard. Il conte l’histoire de Milo, jeune afro-américain de 14 ans, vivant dans un quartier malfamé de New-York où règne des petites frappes locales. Sa mère s’étant récemment suicidé et son père décédé depuis son plus jeune âge, il est à charge d’un frère amorphe depuis son retour de la Guerre en Irak. Pour s’évader de son quotidien, il s’adonne à sa passion : le film de vampires. Il rencontre alors Sophie, sa nouvelle voisine, qui va perturber son quotidien et mener son existence vers l’horreur.
Si sur le papier, ces œuvres annoncent un programme prometteur, elles se révèlent hélas porteuses de tous les maux du cinéma d’horreur actuel. La mise en scène est quasi absente. The Neighbor ne renoue pas avec la machinerie macabre du premier Saw de James Wan et ne fait qu’enchaîner scénettes plus violentes et dégoûtantes l’une après l’autre. Le film n’apparaît plus que comme un morceau de bravoure dédié au trash bas de plafond. Transfiguration déprime par son visuel morose et sa caméra à l’épaule pour coller au réalisme revendiqué par le sujet du film : l’existence des vampires « réalistes » – pour reprendre les mots du petit Milo. L’angoisse provoquée par ces visions d’un enfant psychopathe qui tue et se nourrit du sang d’hommes d’affaires, de clochards ou même d’une petite fille retombe dans la platitude morne de l’image. Dunstan et O’Shea ne seront certainement pas les Argento, Carpenter, voire Wan de demain, mais on le regrette d’autant plus qu’ils affichent des références sans se mettre au niveau (Transfiguration cite allègrement Nosferatu, Morse ou encore le chef d’œuvre de Kathryn Bigelow, Near Dark). Sans véritables identités visuelles, ces productions n’embarquent jamais le spectateur et, c’est un comble, ne font nullement frissonner.
En parlant de références, on aborde justement ce qui devrait faire la singularité de ces films. Si Transfiguration s’en sort mieux en faisant de ce pseudo-remake de Martin de Romero, une réflexion sur la fascination et la mystification contemporaine du vampire – qu’il démystifie – on regrette que O’Shea choisisse la facilité en s’attaquant à l’évidence de la saga Twilight. Tandis que sa partie sociale n’est que surface ou prétexte pour s’inscrire dans une dynamique auteuriste, façon… Romero. The Neighbor croule lui sous ses inspirations et en devient prévisible : Massacre à la tronçonneuse (la policière corrompue), Hostel (les tortures et le trafic humain), Fenêtre sur cour (le voisin étrange que l’on espionne), Saw (le bourreau avec un masque et une voix déformée), etc. Si on ne peut en vouloir à Dunstan de ne pas avoir les prétentions de ses prédécesseurs, on peut être déçu par le fait que son film ne soit au final qu’un pale remake de leurs meilleures scènes, mais dénué d’âme et de personnalité.
The Neighbor, s’il n’est qu’horreur crasse et nauséabonde, accumulation de personnages hystériques (l’oncle mafieux, le voisin fou, le policier désaxé), il en tire néanmoins une certaine folie jouissive à la manière des séries B – voire Z – auxquelles ont redonné vie Tarantino et Rodriguez avec leur projet Grindhouse. Le film culmine avec sa victime se transformant en héroïne plus dangereuse que ses tortionnaires. Transfiguration désespère par le premier degré dans lequel il se complaît. Les rares moments de « bonheur » entre Milo et Sophie sont éclipsés par un décorum à faire passer les plus violentes tragédies grecques pour du Molière. Car Milo n’est pas le seul orphelin, Sophie a elle aussi perdu ses parents (dans un accident de voiture) et est élevée par un grand-père qui passe son temps à la battre. Elle ne s’échappe qu’en se scarifiant ou en fricotant avec une bande de jeunes des quartiers riches venus s’éclater avec une « pauvre ». La scène la plus marquante du film n’est pas à retrouver dans les nuits de chasse du petit Milo, mais plutôt dans le meurtre insoutenable d’un jeune blanc venu chercher du crack auprès des dealers du coin. Hélas pour lui, il tombe sur le gang qu’il assène de ses préjugés raciaux et en paie le prix de manière très gratuite : lynchage, nez explosé puis balles dans le corps baigné par la délicate musique de ses cris. L’inquiétante étrangeté qu’aurait fourni le personnage de Milo est finalement noyée dans cet océan de noirceur facile. On aurait aimé un certain équilibre et davantage de nuance avec plus de scènes légères décrivant l’idylle naissant entre le garçon et Sophie, le cinéaste semblant avoir une certaine maîtrise des interactions propres à l’enfance/adolescence. Hélas, la surenchère de violence nous fait suffoquer et c’est cette atmosphère asphyxiante que nous retiendrons de ces deux longs-métrages.
The neighbor, Transfiguration
Note: