Naomi Kawase est une cinéaste qui remonte obsessionnellement aux sources, à l’ontologie de l’art qu’elle pratique. Son cinéma explore et refonde les gestes qui font fonctionner la machine cinéma : la question de la subjectivité est mise en examen à partir de ses nombreux autoportraits ; le réel et sa complexité sont interrogés à partir d’une énergie poétique qui le rend recevable et habitable ; chez Kawase, chaque parcelle du monde connaît une force que seul un regard attentif et juste peut transmettre.
Ce type d’initiatives, aussi bien artistiques que vitales (aucune distinction n’a lieu d’être pour la cinéaste) rejaillit dans son dernier film, Still the Water, présenté en sélection officielle au festival de Cannes 2014. Hybridant les formes du la fiction et du documentaire, Still the Water déplie différents récits qui pivotent autour de la problématique du deuil. Un jour d’été, le jeune Kaito découvre un corps sans vie dans la mer. Une chamane attend la mort accompagnée par sa famille et ses proches.
Le deuil doit se faire en entretenant un rapport très particulier avec la nature ; un rapport qui consiste à observer et appréhender la force des phénomènes. Still the Water véhicule le principe selon lequel on ne peut accepter la pérennité des choses que lorsqu’on s’avoue ne pas comprendre de quoi est faite la mort. Celle-ci n’est pas appréhendée comme une fin, ni même comme une tragédie, mais comme une invitation à injecter de la poésie dans les éléments qui composent le visible. L’appel à la poésie nait donc d’une incompréhension et devient un moyen privilégié d’ « habiter le monde ».
C’est ainsi que la poésie des images occupe une fonction salvatrice pour Kawase. Son sens de l’observation ne cherche nullement l’exhaustivité mais se donne pour vocation celle de renouer les liens très forts qui se tiennent entre l’homme et la nature. Exactement comme Cassavetes lorsqu’il filmait des visages, Kawase filme la nature afin de produire des épiphanies, des grands moments de cinéma qui nous éclairent sur l’essence des choses.
Certes, le film déroule sa vocation, des postulats, à partir d’une chaîne d’événements présentés de façon grossière ; on devine une ambition légèrement pénible dans l’idée de vouloir aborder des grands thèmes tels que la découverte de l’amour, de la vie ou de la mort. Néanmoins, Kawase reste fidèle à son régime esthétique, intensifie son idéologie filmique et avance rigoureusement dans sa recherche du cinéma comme champ vital.
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