Avec L’Odyssée, Jérôme Salle signe un biopic timide sur les contradictions et les complexités du Commandant Jacques Yves Cousteau.
De très bonnes intentions ne font pas forcément un grand film.
C’est finalement la conclusion qui s’impose à l’issue des deux heures d’immersion avec la famille Cousteau.
Le parti-pris de Jérôme Salle est pourtant formidable. Faire vivre le Commandant Cousteau (Lambert Wilson), JYC pour les intimes, par les yeux de son fils Philippe (Pierre Niney), aventurier casse-cou téméraire à la sensibilité exacerbée.
Jérôme Salle scrute cette relation conflictuelle et fait du Commandant Cousteau un personnage ambigu. D’aventurier des mers, il deviendra un business man narcissique et frivole avec les femmes avant d’entamer une rédemption tardive dans un rôle d’écolo hardcore, convaincu par son fils.
Le réalisateur, s’il suit la chronologie du récit, s’efforce de mettre en exergue ces moments de basculement qui ponctueront la vie de Cousteau. La force du récit est de se concentrer sur l’essentiel. Les personnages secondaires servent la ligne narrative et sont de fait des personnages importants jamais sacrifiés sur l’autel du héros. En premier lieu, Simone (Audrey Tautou), mère et épouse inféodée au Commandant et Jean-Michel, l’aîné, qui vit dans l’ombre de son père et de son frère.
Lorsque l’on évoque le Commandant Cousteau, on pense aussi et surtout à l’explorateur et au documentariste. Celui qui ramenait des images de rêve et de mystère de l’Antarctique à l’Afrique du Sud en passant par les mers chaudes des Bahamas et qui construisait ainsi la nouvelle mythologie du marin.
Le cinéaste évite l’écueil du documentaire sous-marin et ses ballets de faune et de flore dans les profondeurs de l’océan. Les images servent l’histoire sans jamais casser le fil de la narration. Bien sûr on y voit baleines et requins danser sous les mers mais toujours pour nourrir la tension qui existe entre ce père omnipotent et ce fils rebelle.
L’attention portée au nerf de l’histoire en essayant systématiquement de ne relater que ce qui sert le propos est une réussite du film.
Alors qu’est ce qui ne va pas ? Sans doute la mise en scène.
Jérôme Salle nous propose un film bien manufacturé, une œuvre de faiseur sans vertige ni fulgurance.
On regrette l’absence de geste de cinéma, le manque d’ampleur de la réalisation.
La première partie du film paraît bien datée. La volonté du cinéaste était de filmer comme à l’après-guerre, dans les années 50. Certes, mais la mise en scène ne se réduit pas à travailler les aplats de couleur en filmant soleil dans le dos et en évitant les contre-jours. Les scènes de fête dans la maison des Cousteau confinent à la ritournelle et prennent l’apparat de vignettes sorties d’albums de l’époque.
La seconde partie du film fait preuve de plus d’ambition mais rarement le cinéaste donne un regard de cinéma sur ce qu’il filme. Tout est finalement très standard comme du bel ouvrage un peu lisse.
Les scènes d’exploration, mais aussi ce face-à-face entre JYC et son fils dans un café new new-yorkais ou encore cette scène de plage alcoolisée et musicale pendant laquelle Philippe s’oublie dans la nuit enfiévrée sont autant de moments où la mise en scène ne prend jamais l’avantage.
Mille images remontent dans nos mémoires et viennent s’échouer sur les débris d’une réalisation sans souffle ni imagination. On est loin des plages vénéneuses de Bigelow et Malick, des affrontements familiaux flamboyants de Mann, De Palma, Gray et Coppola ou des océans à la force inquiétante de Weir, Noyce et Cameron. Ici on ne vise pas le romanesque et la tragédie.
On regrette également le découpage du film. Ou plus précisément le parti qui est de montrer dès la première scène la mort de Philippe, le fils Cousteau, dans un accident d’avion. Le film se joue dans l’ombre de ce climax lâché dès les premières minutes et ne s’en remettra jamais vraiment. La force émotionnelle du film est amputée d’emblée et le film devient finalement assez froid et distancié.
Enfin, même si les personnages sont d’une grande densité, on a du mal à croire aux interprètes. Non pas que la direction d’acteurs soit ratée, mais simplement parce que l’on n’oublie jamais Lambert Wilson, Pierre Niney et Audrey Tautou. Ils sont les acteurs qui jouent les personnages. Trop de grimages, de postiches, d’effets de maquillage rompent la vérité de l’incarnation. Difficile de se projeter dans la fausse virilité d’un Pierre Niney affublé d’une barbe de Robinson ou dans les couches de maquillage qui accompagnent le vieillissement d’Audrey Tautou et de Lambert Wilson.
Alors oui, le tournage a dû être une belle et grande aventure aux quatre coins de la planète, sans effets spéciaux ou si peu, avec un bateau en décomposition en guise de Calypso. Mais tout cela, le spectateur ne le ressent pas. La fièvre des tournages maudits est absente du film et à aucun moment l’œuvre de cinéma ne se transcende par la vérité du réel.
Jérôme Salle livre au final un divertissement classique qui fera les beaux jours des soirées télé du dimanche soir.
Note: