Avec Jeune femme, Léonor Serraille filme le renouveau d’une trentenaire moderne, fantaisiste et éprise de liberté. Caméra d’Or au dernier Festival de Cannes.
Paula vient de se faire larguer.
La porte close de son ancien amant sonne comme un uppercut qui lui ouvre littéralement le front et le flot de mauvaises pensées qui va avec.
Recluse aux urgences entre hystérie et digression, elle se retrouve perdue dans Paris, sans boulot, ni compagnon d’infortune. Juste le chat de son ancien amoureux qu’elle a pris en otage comme le dernier lasso qu’elle harnache à une romance en phase terminale.
Paula rappelle Sue, l’héroïne d’Amos Kollek, perdue elle aussi dans Manhattan à l’aube des années 2000 ou encore ces grandes figures de battantes incarnées par Gena Rowlands chez Cassavetes.
Mais la comparaison s’arrête là. Contrairement à ses illustres aînées new-yorkaises, Paula n’est pas de celles qui se laissent happer par les profondeurs de la dérive sociale.
Paula ne dérive pas, elle navigue, à la conquête de sa liberté au gré des opportunités heureuses ou malheureuses, contre vents et marées.
Paula est éprise de vie, de liberté et surtout croit en sa bonne étoile, quitte à s’inventer des stratagèmes qui la font avancer.
Paula avance, elle fonce même. Elle s’invente nounou chez une bourgeoise bohème, vendeuse de petites culottes dans une galerie commerciale, copine d’enfance d’une jeune femme rencontrée par hasard dans le métro qu’elle ne connaît ni d’Eve ni d’Adam.
Pour incarner Paula, Léonor Serraille désirait plus que tout Laetitia Dosch, révélation de La Bataille de Solférino de Justine Triet.
Pour la cinéaste, elle était la seule à pouvoir relever le défi d’un rôle total à la Patrick Dewaere ou David Thewlis dans Naked de Mike Leigh.
L’actrice est immense dans sa composition d’un personnage qui ne fait que gérer des paradoxes existentiels, en jouant sa vie à chaque situation.
Tantôt dans la nuance, tantôt en surrégime, toujours sur le fil, l’actrice épate dans sa capacité à être dans la vie tout au long du film avec beaucoup de grâce et de présence physique.
Laetitia Dosch confirme tout le bien que l’on pensait d’elle et s’affiche comme un personnage important et emblématique de la nouvelle génération du cinéma français, au même titre que Vincent Macaigne par exemple.
Le film est aussi un formidable portrait social de Paris, « cette ville qui n’aime pas les gens », comme le susurre Paula.
Derrière Paris, c’est tout le système d’une jeunesse précarisée qui est ausculté, entre système D, coup de blues et appétit de vie.
Léonor Serraille filme la ville comme une jungle hirsute pétrie de fantômes. Il est assez rare dans le jeune cinéma français d’accorder autant d’importance à la topographie des lieux, son caractère urbain, ses détours, ses passages secrets. Le film réussit à faire de Paris un paysage mental, celui des questionnements de Paula et c’est aussi une des forces du film d’offrir cette matière réflexive, très belle, comme une mise en abyme du personnage.
Caméra d’Or absolument indiscutable au dernier Festival de Cannes, Jeune Femme est une formidable réussite et la révélation d’une nouvelle cinéaste, Léonor Serraille, et la confirmation d’un talent en or massif, Laetitia Dosch.
A voir sans aucune modération.
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