Florence and The Machines, The XX, U2, Madonna ou Suede ont travaillé avec Craig ARMSTRONG dans la coulisse. Après un premier disque essentiel paru peu avant le tournant des années 2000, le compositeur-arrangeur revient dans la lumière avec un nouvel album sorti en catimi. Retour sur un must caché de 2014.
Et si c’était l’un des plus beaux disques de cette fin d’année ? Sorti dans l’indifférence générale, le sixième album de Craig Armstrong s’impose comme la bande originale rêvée d’un été indien qui dure. Un disque qui mérite de tourner en boucle, publié en automne, la saison idéale d’un compositeur – arrangeur de génie révélé sur le label MELANKOLIK de Massive Attack.
Retour en 1997. La britpop de Blur, de Pulp, d’Oasis est partout. Au même moment, Massive Attack déploie ses ailes et s’apprête à publier Mezzanine, son album le plus sombre. Et peut-être le plus beau. Avant cela, Craig Armstrong avait arrangé le hit-LP planétaire Protection du trio de Bristol. A ce moment là, Massive Attack n’est pas seulement une marque : le « groupe » ne se réduit pas à des ombres désincarnées qui relèvent périodiquement les compteurs dans les gros festivals. Massive Attack est au firmament et a tant de choses à dire que le groupe s’entoure. Il crée MELANKOLIK, son propre label trip hop, et signe Horace Andy, son raegaeman de légende. D’autres artistes se reconnaissent dans ce projet : DAY ONE, notamment, avec un fulgurant et unique album qui marquera ces années là et l’histoire du label.
Craig Armstrong aussi, avec un disque qu’on a usé à force de l’écouter : The space between us. C’était l’époque des black sessions et des disques que l’on collectionnait encore. Ce CD là se présentait dans une pochette plastique. Un corps de femme nue dont on ne devinait pourtant rien illuminait la couverture aux noirs et blancs teintés de pourpre. Et dans les oreilles, un mélange étrange d’instrumentaux sortis d’une bande originale imaginaire. Et, disséminées parmi les mélodies sans parole, deux pépites chantées. Deux morceaux qui aujourd’hui encore incarnent le souvenir de ces années là : This love et Let’s go out tonight. Sur le premier morceau, la voix cristalline de Liz Frazer des Cocteau Twins. Sur le second, les basses envoutantes de Paul Buchanan des Blue Nile.
Dix sept ans plus tard, Craig Armstrong a choisi de se connecter avec sa propre légende et d’offrir dix sept nouveaux morceaux plus essentiels encore que ceux de son premier album. Entre temps, il a publié d’innombrables BO et quatre disques parfaitement dispensables, sauf peut-être le plaisant Piano works. Entre temps, plus personne n’achète de CD, les Cocteau Twins ont disparu et on se souciait autant de l’actualité de Craig Armstrong que de celle de Bernard Lenoir.
Pourtant ce disque là change tout. Comme tout le monde, on ne savait même pas qu’il était sorti. Le hasard l’a mis sur notre route… Et, dès la première écoute, l’évidence : ce disque là allait sérieusement chambouler nos TOP 2014. Cette fois, les morceaux chantés sont plus nombreux. Et parmi eux, quatre merveilles absolues. Tout commence par Dust, hypnotique. Puis la pureté acoustique de Strange kind of love avec Katie O’Halloran prend le contrôle. Mais pourtant, le sommet du disque n’est pas encore là. Il faut attendre le sixième morceau et la contribution de Brett Anderson. Le chanteur de Suede s’offre avec une classe infinie et un chant épique, tout en force retenue. Le morceau s’appelle Crash et mérite qu’on torpille le modèle économique de Deezer à force d’écouter la beauté de cette relecture des grands classiques de l’éléctropop (« You have to be surrounded in beauty » incante le chanteur qui semble ainsi donner le ton du disque tout entier).
Gardez toutefois un peu de bande passante pour le retour de Paul Buchanan avec un titre qui joue le match du meilleur morceau disque, It’s not alright. Mais il faut être dimanche soir ou un peu triste pour aimer ce titre là comme il le mérite.
Autour de ces quatre merveilles, quatre autres titres chantés et une petite dizaine d’instrumentaux. Partout, la même intention : mêler les cordes et les machines, sans démonstration de virtuosité mais avec l’obsession d’émouvoir et de rechercher l’énergie sourde qui se cache toujours derrière une certaine mélancolie.
Dans le dossier de presse, le très peu loquace arrangeur avoue « J’adorerais maintenant pouvoir jouer l’album en concert, du début à la fin, comme vous pouvez désormais l’écouter ». Nous aussi.
It’s nearly tomorrow de Craig Armstrong – BMG Rights Management. Disponible.
Note: