Il semblerait qu’avec À jamais Benoît Jacquot ait trouvé en Julia Roy une nouvelle égérie, qui écrit le scénario de ce nouveau film adapté de Don DeLillo, en interprète le rôle principal, est de presque tous les plans.
À jamais est l’histoire d’une rencontre entre un réalisateur, Rey – interprété par Matthieu Amalric – et Laura, une femme plus jeune que lui – tiens donc ! Il assiste à une de ses performances de body art – elle lève un bras, très doucement -, tombe amoureux, la raccompagne dans sa villa en bord de mer sur sa moto. Mais lui n’a pas d’aigle sur le dos. Il l’épouse, toutes affaires cessantes, c’est la passion.
Mais Rey semble torturé par quelque démon. Des bruits sourds se font entendre dans les murs de la villa – histoire de fantômes portugais? problème de chaudière ? -. Son ex (Jeanne Balibar) le supplie de revenir, il regarde sur son écran d’ordinateur des vidéos de surveillance d’autoroute – pourquoi pas ? -. Mathieu Amalric joue le regard dans le vide, prononce ses dialogues comme s’il était très fatigué. Il se suicide à moto et à partir de là, un nouveau film commence. Un film sur le deuil, l’absence, un film de revenant.
Dans la villa, Rey revient à Laura tel une apparition fantomatique et torturée. Laura refait vivre son défunt époux, elle porte ses vêtements, chausse ses lunettes, redit ses mots avec sa voix à lui dans un dialogue avec elle-même. On voit bien où Benoît Jacquot veut en venir, la façon de s’incarner en l’autre dans la passion amoureuse, de vivre à travers lui. On comprend ses intentions de mise en scène dans ce jeu entre la présence et l’absence, le fait de montrer ou de cacher.
Mais tout dans le film est calamiteux, laborieux, faute d’incarnation. On ne croit pas en la passion amoureuse du couple, le personnage de Laura est caractérisé davantage comme une manipulatrice perverse que comme une veuve réellement éplorée. Il y avait sans doute matière à incarner ce dispositif d’imitation de l’être aimé comme une véritable performance de body art – titre du roman original –, comme une création artistique à part entière jouée par Laura. Mais il n’en est rien, cette hypothèse est à peine signifiée.
La musique de Bruno Coulais font tomber sur le film des cordes sous influence hitchcockienne – Daphné Du Maurier, es-tu là ? -, sans aucun espoir d’éclaircie. Au secours !
On imagine ce qu’un tel sujet aurait donné dans les mains d’un réalisateur japonais tel que Kiyoshi Kurosawa, dont la fréquentation des spectres donne des films d’une toute autre allure.
Note:
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