Il est devenu tellement admis que les séries télévisées surpassent régulièrement les fictions du grand écran que l’affirmer revient à prononcer un lieu commun, une banalité. On ne se lasse pourtant pas de le répéter à force d’être surpris par les qualités d’écriture, la science du récit et de la caractérisation des personnages de tels ou tels programmes, qui procurent un sentiment quasi addictif de manque entre chaque diffusion, dépendance satisfaite par la consommation du produit-épisode tant attendu. Parmi l’offre pléthorique, Sherlock fait partie du haut du panier et a su séduire son audience et créer un lien très fort avec son public du fait notamment de sa rareté – seulement trois épisodes de 90 minutes par saison ! -. L’adaptation contemporaine des enquêtes du fameux résidant du 221B Baker Street est une réussite totale, qu’il s’agisse de l’écriture, de la mise en scène comme de l’interprétation, on n’y voit rien à redire, tout est parfait. Le récit est systématiquement mené tambour battant, sur un mode ludique alternant les temps de l’enquête et les développements psychologiques des personnages. La réalisation est d’une invention folle. Elle intègre tout ce qui permet d’inscrire ce Sherlock-là dans un contexte contemporain – incrustations à l’image de messages sms, e-mails, maps –, tout en respectant l’esprit des écrits de Conan Doyle pour les connaisseurs des enquêtes originales de l’inspecteur. Ils retrouveront ainsi les personnages familiers – Mme Hudson, l’inspecteur Lestrade, Mycroft Holmes, James Moriarty –, les décors, les accessoires – le fameux chapeau !-, les thématiques – l’homosexualité, la dépendance – et la science de déduction de Sherlock Holmes, superbement interprété par Benedict Cumberbatch. C’est bien simple, on ne voit pas qui d’autre aurait convenu au rôle, tant l’acteur incarne son personnage avec ce qu’il faut d’élégance racée, de folie, d’humour et d’instinct quasi animal.
La saison 2 se terminait sur un cliffhanger des plus redoutables, dont on se demandait comment les scénaristes allaient y trouver une solution crédible et satisfaisante. Le premier épisode de la nouvelle saison n’évacue pas vraiment la question qui taraude les téléspectateurs de la série depuis un an, et se joue des hypothèses les plus fantaisistes en se moquant des théories échafaudées par les fans, dans l’intervalle. C’est le côté méta de la série – les blogs de Holmes et Watson sont d’ailleurs réellement en ligne sur le net – devenue un véritable phénomène outre-Manche. Pour le reste, cette troisième saison, qui reprend les fondamentaux du programme, approfondit encore davantage les personnages et leurs relations. Mycroft occupe ainsi plus de place dans le récit et de nouveaux protagonistes font leur apparition, comme celui de Mary, la femme de John Watson et un nouveau méchant, Charles Augustus Magnussen, dont la puissance néfaste peut se manifester à travers une simple pichenette qui devient un geste d’humiliation ultime. Quant à Sherlock, son côté sociopathe est aussi sa malédiction, mais l’évolution de son personnage se fait vers davantage d’ouverture aux autres, bien qu’il reste profondément isolé. Nulle déception donc, la série évolue sans trahir, l’écriture est un vrai travail de dentelle, précise et ludique, les coups de théâtre assénés à un rythme régulier, qui n’autorisent aucune baisse de tension. On regrette simplement le format du programme, si bref, mais qui démultiplie a contrario les effets du shoot procuré par le visionnage des trois épisodes de la saison. Le sevrage risque d’être long puisque après s’être bien repus, il faudra attendre janvier 2014 pour se délecter de la suite.
Note: