Les Anglais de Breton développent actuellement dans le monde de la musique un univers tout à fait à part, non seulement dans leur musique – qui est véritablement l’une des plus inventives du moment -, mais aussi dans tout ce qu’ils entreprennent. En effet, Breton n’est pas seulement un groupe de rock, mais un collectif dont les membres sont des « touche-à-tout ». Passant par diverses expériences chimiques, pour aller vers la vidéo et tout ce qui tourne autour de l’audiovisuel, Breton s’est forgé une véritable identité avant d’être un groupe de musique à part entière.
Signé chez Fat Cat Records en 2011, c’est une année plus tard qu’on les découvre à l’occasion de leur tournée accompagnant la sortie de leur excellent premier album, Other People’s Problems. Déjà à l’époque, le groupe sollicitait régulièrement leurs fans, leur proposant de leur envoyer diverses vidéos, notamment des prises de vue du concert qu’ils donnèrent à la Route du Rock en 2012, affirmant ainsi leurs positions d’artistes modernes, vivant avec leur temps qui est celui de l’échange, de la vidéo, des réseaux sociaux, du participatif. Roman Rappak, leader du groupe, souhaite ainsi créer quelque chose d’unique, de novateur et qui ne se fera plus sans doute dans les années à venir. C’est ça, l’esprit « Breton ».
Aujourd’hui, les Anglais poursuivent donc leur chemin, toujours un peu à travers champs, qui lui confère un style et une originalité des plus attrayants. Forts d’un premier album plutôt bien reçu par la critique et le public, c’est avec sérénité que nous parvient désormais War Room Stories, second opus du collectif, fraîchement sorti en ce début d’année 2014.
Un album réalisé dans de nouvelles conditions, avec lesquelles le collectif a dû apprendre à travailler. En effet, Breton nous faisait parvenir l’essentiel de ses diverses créations depuis son QG, le « Breton Labs », installé dans le local d’une ancienne banque désaffectée du sud de Londres. Ce dernier, pour son grand malheur, a fini par être détruit par les autorités locales. Si l’idée de réaliser un album dans des conditions normales lui est naturellement venue à l’esprit, elle a très rapidement été incompatible avec sa façon de faire et de travailler. Le Breton Labs s’est donc délocalisé vers Berlin, dans un haut-lieu de la propagande communiste. Libre d’exprimer toute son inventivité et à toute heure, le groupe est tout de même contraint par de nouvelles conditions de travail qui rendent le dernier album un peu plus cohérent.
Other People’s Problems avait la grande qualité de présenter un son nouveau, alliance de sonorités très différentes, dont aucune ne prend vraiment le pas sur l’autre. Le rock côtoie ainsi l’électro, le hip hop et la musique classique. Les beats et les violons sont ainsi régulièrement de sortie, produisant alors un son jamais vraiment entendu auparavant, comme peut l’illustrer la chanson introductive Pacemarker ou Edward The Confessor, qui a permis à Breton d’asseoir sa notoriété.
Dans War Room Stories, il y a au fond peu de changements. Breton s’évertue toujours à produire des chansons d’une teneur essentiellement teintée de noirceur et également toujours désireux de faire passer aussi bien des émotions que des messages plus ou moins engagés. Alternant ainsi de façon assez juste entre les rythmes endiablés et ballades lancinantes, on découvre un album qui reprend les choses là où elles s ‘étaient arrêtées. Apparemment, tout n’avait pas encore été dit, puisque ce second opus remplit amplement les attentes. Jamais l’ennui ne s’installe, grâce à des titres toujours très travaillés et qui s’enchaînent les uns aux autres, sans temps mort et surtout de façon très naturelle.
Envy, single et opener de l’album, surprend, car c’est sans doute la chanson la plus enjouée du groupe jusqu’à maintenant. Elle n’en est pas pour autant moins intéressante et fait office d’un excellent hôte pour accompagner l’auditeur dans l’album. On entre ainsi assez rapidement dans le vif du sujet, toujours sur des rythmes saccadés, une des marques de fabrique du groupe. Mais cela sera très vite contrarié, car l’album va, à l’image du précédent, osciller dans les rythmes et les ambiances. Mais les grands moments ne sont pas rares, loin de là.
Depuis ses débuts, la bande à Roman Rappak possède une grande force, celle de toujours produire des mélodies imparables. La nature de leur musique, très changeante au sein même d’une chanson, fait que même les compositions un peu en dessous qualitativement vont tout de même porter en elles certaines partitions qui, même un court instant, vont nous toucher. Sur Other People’s problem, la très belle chanson 2 Years prenait tout son temps pour démarrer, pouvant provoquer l’ennui chez certains. Mais lorsque le morceau s’accélère, au bout d’une bonne minute et demie, la mélodie qui prend enfin toute sa place ne peut que nous emporter. Voilà un sentiment que l’on retrouve aussi sur War Room Stories, par exemple sur Brothers. L’idée est d’installer un climat propice qui permet réellement d’entrer dans un univers, un son à part, pour finalement se jouer de l’auditeur et le surprendre au plus profond de ses sens. Breton parvient parfaitement à retranscrire cela.
Ainsi les grands moments de l’album sont à la fois très directs avec des chansons comme Got Well Soon, très agressive de prime abord mais délicieusement géniale, ou encore Legs & Arms, petit frère d’Edward the Confessor, et sur des chansons aux univers fouillés comme S4 qui est sans doute l’un des plus beaux titres de Breton, mais aussi Closed Category, rempli de sentiments à l’état brut.
Tout cela se côtoie donc dans un seul et unique album qui malgré les apparences réussit à garder une belle cohérence, en tout cas bien plus que le premier du nom. À la sortie de cet album qui reste très court, on se surprend à relancer le bouton play, mais également à enchaîner l’écoute des deux albums des Anglais. Une vraie réussite pour ce jeune groupe, dont on s’étonne encore de l’originalité et de l’inventivité. La musique n’a donc pas encore été entièrement explorée.
Breton – War room stories (Believe Recordings)
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