Premier film de l’actrice Marilyne Canto qui fait suite à son court métrage, Fais de beau rêves (2007), Le sens de l’humour raconte la vie qui suit la disparition d’un père de famille parisienne, et notamment la relation entre la femme et un nouvel homme (interprété par Antoine Chappey) qui tente de se frayer une place dans cette vie abîmée.
Très vite, une ombre immense vient planer au dessus du film, celle de Maurice Pialat. Chaque plan transpire Pialat, vibre Pialat, marche Pialat. Mais cette ombre ne restera pas, car peu à peu, le temps se dilate, les plans sont souvent des plans séquences, petites vignettes avec bouts de dialogues pour compléter l’action des corps.
C’est l’histoire d’une mort à peine évoquée, celle d’un père et celle d’un mari. Dans Queen of Montreuil (Solveig Anspach, 2013), la mort était intégrée à la mise en scène, aux objets, aux cadres. Ici elle n’intervient que par le dialogue – et rarement -, elle n’est pas nécessairement ce grand mur insurmontable. Ce qu’essaie de montrer la réalisatrice, c’est la vie d’après, et pas la vie perdue d’avant, après laquelle on court. Les personnages doivent se réorganiser. La mère jouée par Marilyne Canto elle-même se pose de nouvelles lignes de conduite qu’elle énonce verbalement au personnage masculin qui cogite dans son coin. Le fils lui, découvre. Il veut faire sa Bar Mitsva, sans savoir pourquoi, il se projette.
Le film fonctionne bien quand il avance par petit morceaux, quand le temps n’est pas une droite qui monte vers une crise, quand l’histoire n’est pas faite de scènes explicatives mais de petits riens entre les personnage qui se nouent, se dénouent, laissent la vie s’incarner à l’écran d’une manière plutôt gracieuse.
Cependant Marilyne Canto se sent obligée de faire plier cette narration en douceur, elle y ajoute des « pétages de câbles », des disputes un peu perdues au milieu de nulle part. Ces moments de crise donc, ne sont pas les bienvenus, et apparaissent tout de suite comme des maladresses. Une dispute dans une brocante notamment, tire le film vers une trivialité psychologique qu’il évitait jusque là.
Le mot « inégal » vient à l’esprit, mais tout de même, le regard que la réalisatrice porte sur ses personnages donne envie d’oublier les quelques moments malhabiles pour ne retenir que l’élégance.
Ce film n’est peut-être pas une énième histoire d’acteur capricieux qui passe derrière la caméra. Il y a une délicatesse de l’image, de l’effleurement intérieur des personnages qui seraient bienvenus dans un deuxième long métrage – espérons le – moins maladroit.
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