Bill Plympton est un dinosaure. Il crayonne figures et arrière-plans depuis le début des années 1990 sans jamais avoir cédé aux technologies numériques pour le modelage ni de l’animation de ses personnages. Il est l’auteur de nombreux films et courts métrages très appréciés : The Tune, Hair High, Des idiots et des anges… Ses films sont la plupart du temps gangrenés par une folie qui prend tout l’espace-temps du film. On a ainsi des plongées dans des bouches monstrueusement béantes, de mémorables moments aussi gores que poétiques, des têtes et des corps qui se transforment au fur et à mesure que la ligne se défait et que le gribouillis se laisse voir à l’écran. Tous ses films ne respectent pas scrupuleusement un fil narratif et la folie des images est bien souvent celle du récit.
Cheatin (Les Amants électriques) sort donc cette semaine. Un film plus cher, plus long à concevoir et peut être celui à la narration la plus « classique ». Le film raconte comment deux stéréotypes masculin/féminin – tout droit sortis d’une Amérique des années 1950 – s’aiment à la folie après une rencontre électrique sur une piste d’autos-tamponneuses, et vont essayer d’accorder leur vie à cette passion dévorante à laquelle vont venir s’ajouter jalousie et malentendus.
On retrouve les chiens, les bouches, les vamps, les muscles débiles, les voitures et à peu près tout ce qui fait qu’on adore souvent Bill Plympton. Mais ici, quelque chose s’est cassé. Et les raisons semblent être tristement prosaïques et contingentes, soit une liste de choix esthético-techniques qui filtre la folie du film par une galerie d’effets totalement inappropriés. La musique, omniprésente, mélange de Yann Tiersen et de folklore d’un pays incertain nous fait regretter la vitalité pop de Hair High et de The Tune. Sans oublier les effets de zoom ahurissants de laideur qu’il place constamment dans ses images immobiles, figeant plus encore les actions programmatiques de ses personnages qui bégayent des actions déjà vues maintes fois dans le cinéma de Plympton. Le son subit le même affadissement avec un manque de tenue dans les ambiances. Les cris s’isolent et semblent bien sages par rapport à l’énergie que le film tente de déployer. De même que les couleurs apparaissent étrangement mal assorties, notamment dans les arrière-plans, alors que Des Idiots et des Anges se voyait doté d’une merveilleuse gamme chromatique extrêmement cohérente.
Il est triste de n’aligner que des défauts de ce genre, car on voudrait l’aimer ce film, malgré son histoire d’amour vieillotte et son radotage de situations un peu trop « plymptoniennes », mais il semble n’être qu’une répétition assagie de beaucoup d’éléments déjà connus d’un cinéma pourtant frondeur et toujours inventif. Dommage, de la part d’un des seuls auteurs d’animation qui, à l’heure actuelle, maîtrise ses films de la première à la dernière minute.
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