Certains films s’imposent de par leur rythme serein, leur calme apparent, qui n’est pas synonyme de mollesse, mais au contraire de lyrisme contenu.
The Homesman est ainsi. Second long métrage et retour au western pour Tommy Lee Jones au poste de réalisateur, qui tient aussi l’un des deux rôles principaux.
Le Nebraska, au temps de la conquête de l’Ouest. Mary Bee Cudy, interprétée par Hilary Swank, est une pionnière déterminée et courageuse, mais dont l’autorité et la rudesse font fuir les prétendants potentiels au mariage. Quand trois femmes devenues folles doivent être ramenées dans l’Est, tous les hommes se révèlent trop lâches pour accepter la tâche et c’est elle qui en prend la responsabilité. Sur sa route, elle trouve George Briggs (Tommy Lee Jones lui-même), un marginal qu’elle sauve de la pendaison en échange de la garantie de son aide dans sa mission.
Le spectateur de 2014 a vu et revu les westerns spaghettis, il connaît les relectures baroques, jusque dans la version de Tarantino de l’année dernière, démystifiant le genre et révélant la vraie face de l’Ouest dans toute sa rudesse et sa violence, loin des récits idéalistes. Que dire de neuf avec un western ? Pour sa discrétion, The Homesman sera sans doute taxé d’académisme (tant pis pour ceux qui en resteront-là) et n’échappe pas au risque du déjà-vu. Mais qu’importe ? S’il n’opère pas de révolution au sein du genre, ses qualités sont autres.
Tommy Lee Jones peint un Ouest où la communauté paraît plus que jamais distendue, dispersée. À la vision d’un tel tableau, on peine à croire que ce monde formera un jour une société. Ce sentiment est renforcé par l’absence de plan d’ensemble sur la communauté, le montage passe successivement des maisons et foyers aux lieux de rassemblement, tels l’église où se bousculent à peine plus de cinq croyants, prêtre compris. Jamais le village, la ville pionnière n’est saisie dans un plan d’ensemble. Ce qui est montré dans toute la largeur permise par le cinémascope, en revanche, c’est la plaine désertique, les grands espaces vides à traverser. Soit un Ouest de la solitude, de l’isolement, de l’éloignement. Quasiment vidé de présence humaine.
The Homesman est un film souvent sec, dénué de sentimentalisme. Les scènes éprouvantes s’imposent au regard sans prévenir, puis expédiées avec rapidité. Il y a là une forme de rigueur et de hauteur morale de la mise en scène qui n’a pas peur d’éxiber des scènes d’horreur, mais toujours sans s’attarder, sans montrer plus qu’il n’est nécessaire. Ces scènes tombent avec sécheresse et pudeur, comme un couperet.
Le film concentre son attention sur des personnages, tous marginaux à leur façon. D’une part, les femmes devenues folles doivent être éloignées de la société – où elles n’ont pas leur place – qui ne peut les supporter. Mais à leur manière aussi, Mary Bee Cudy et George Briggs sont mis à l’écart. La première se sacrifie, car elle a pleinement conscience qu’en dépit de sa foi et de son engagement, son statut de célibataire la désigne comme la prétendante idéale au sacrifice. Quant à Briggs, hors-la-loi haï de la communauté, il a tout à gagner dans l’éloignement.
Ces deux compères de fortune s’allient ainsi pour effectuer la tâche ingrate de ramener les malades mentales vers l’Est. Cependant, la haute valeur morale de leur geste ne sera pas appréciée ni reconnue par les autres. À peine, par le personnage de Meryl Streep à la fin du film. Ils resteront jusqu’au bout des bannis, jusqu’au très beau plan final du bateau s’éloignant dans la nuit, emportant le héros, à jamais dans l’obscurité. La portée des bonnes actions n’est appréciée par nul autre que les deux protagonistes.
Si Tommy Lee Jones surprend dans un rôle comique (mais pas que), la prestation d’Hilary Swank, dans le rôle d’une femme guidée par sa détermination, achève quant-à elle d’emporter pour de bon l’adhésion. Rien que pour elle, il faut voir The Homesman, elle y est bouleversante.
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