Vu par Terry Gilliam comme le dernier volet d’une trilogie Orwellienne commençant avec Brazil en 1985 et se poursuivant avec L’Armée des douzes singes en 1995, Zero Theorem est une plongée de plus dans un univers dystopique aux caméras de surveillances et écrans omniprésents.
Même sur le papier, en 2014, un tel projet semble terriblement daté. Le futur que montre le film apparait comme, au mieux, une version outrée et criarde de notre présent. Il nous montre un personnage (Christoph Waltz) reclus dans une chapelle au milieu de la ville, attendant un coup de téléphone qui lui apportera les réponses aux questions existentielles qu’il se pose. Cette idée abstraite et métaphysique est plutôt belle; seulement le film s’embarque dans un énième déroulé d’éléments faisant signes et témoignant de l’univers que Gilliam tente de mettre en place, et l’histoire – si il y en a une – n’est jamais vraiment racontée, n’a jamais l’épaisseur qui lui donnerait un minimum d’enjeux nécessaires à ce que le spectateur garde les yeux ouverts.
Quand Gilliam réussit un film, aux moins en termes de box office, c’est pour plusieurs raisons, mais surtout deux, et elles s’alternent plus qu’elles ne se combinent. Soit les films provoquent des tunnels mentaux kaléidoscopiques vertigineux, par exemple L’Armée des douzes singes. Soit les films sont des matrices d’images insensées suffisamment fortes pour palier le manque d’enjeux, à savoir Brazil ou L‘imaginarium du docteur Parnassus. Zero Theorem ne rentre dans aucune de ces deux cases, et la tentative de comédie délirante amenée notamment par le personnage féminin absolument consternant – joué par Mélanie Thierry – épuise plus qu’elle n’amuse.
Le film est dans la queue de comète (voir il est la queue de comète) de cette science fiction vieillissante faite d’idées de décors et de définitions du futur par petites touches. Tel écran servant à telle tâche, telle nouvelle manière de faire l’amour sans se toucher, tel jeu vidéo expérimental… Et le fait de sédentariser le récit dans une chapelle n’aide pas à ce que le film, non seulement ne « fasse pas monde », ne s’incarne pas, mais n’élève jamais ses petits idées vieillottes en ressorts visuels ou scénaristiques intéressants.
C’est le degré zéro (encore un film portant son échec en titre étendard…) de la transgression dont pouvait se parer Brazil il y a 30 ans. Terry Gilliam bégaie, répète ce qu’il disait à l’époque sans se rendre compte que la science fiction est ailleurs, et que le discours « big brother is watching you » – qu’il soit ou non d’actualité – est avant tout ringard et terriblement tarte.
Zero Theorem, en salles le 25 juin 2014
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