La sortie d’un nouvel album de noise pop mixant influences synth pop 80’s et shoegaze 90’s n’a a priori rien d’excitant, voire a tout pour agacer et n’être qu’une matrice à deux trois clips ensoleillés et un single qui peinera à atteindre le million de vues sur Youtube. A Sunny Day in Glasgow n’est pas un groupe produisant ce genre de musique, mais c’est à peu près comme cela que se présente leur dernier album. Heureusement il va beaucoup plus loin que ce qu’il semble être sur le papier.
Contrairement à ce que peut sous-entendre son nom, A Sunny Day in Glasgow est un groupe américain, formé en 2006 par Benjamin Daniels, qui fut l’un des seuls à rester membre permanent, durant les quatre albums produit par le groupe, qui en 2014, après ce dernier opus, annonce sa séparation. Sea When absent, est l’adieu d’un groupe mystérieux aux albums labyrinthiques, mélangeant song writing pop et expérimentations sonores entre l’ambient et l’electronica.
Cults, The Pains of being pure at heart (dont la chanteuse se charge des voix sur Sea When Absent), The Horrors, et bien d’autres groupes actuels font référence aux déflagrations sonores de My Bloody Valentine, à la douceur électrique de Slowdive, et de tous ces groupes mélancoliques des années 1990, qui travaillaient à sortir la pop et le rock de ses gonds radiophoniques en y ajoutant de la distorsion et en faisant primer le travail sonore sur l’écriture et la structure des morceaux (toutes proportions gardées…). S’ils puisent dans cette mouvance, les groupes précédemment cités et bien d’autres n’écrivent pas tant que ça ce que serait la suite de cette musique, The Horrors se tournent vers un psychédélisme de supermarché, et les Vivian Girls réécrivent sans inventivité les chansons de Lush ou Heavenly qu’aujourd’hui tout le monde a oublié.
A Sunny Day in Glasgow fait beaucoup de bien. Pas évident de mettre le groupe à côté d’un autre, tant sa musique sabote tout désir de classification, en juxtaposant des éléments disparates comme d’épaisses guitares quasi hard rock avec des nappes vocales caressantes et mélodiques. À cela s’ajoute un travail de studio mélangeant les distorsions électroniques avec les instruments acoustiques. Les synthés se mettent à ressembler aux guitares, et vice versa. Cet album testamentaire ne cache pas son désespoir, quand commence ce qui semble être dans ses premières mesures un authentique tube – The Body, it Bends – arrivent alors des sirènes électroniques dissolvant la mélodie dans un brouillard de son, pour mieux la faire revenir juste après, puis l’effacer ensuite.
Tout l’album ou presque fonctionne comme cela. Derrière chaque morceau se terre une pop song parfaite, mais elle ne se montre que par bribes, et laisse la matière sonore tout envahir, mélangeant voix et instruments dans un grand feu bruyant et mélancolique, mais également étonnamment net et intelligible. De temps à autre des formes rappelant groupes ou périodes des dix dernières années surgissent, comme quelques cuivres qui se font rapidement happer par l’électricité ambiante, une guitare sèche disparaissant sous les couches de voix qui se superposent par dessus, ou une petite mélodie sautillante très vite rattrapée par les batterie lourdes et explosives…
Que cela concerne Foals ou Arcade Fire, la tendance semble être à l’empilement, l’ajout et le sur-ajout de pistes, et les morceaux finissent par tous se ressembler et tendent vers un son live niant finalement cette soi-disant finesse apportée par le travail en studio. Ici le live est compromis, la voix se brise sur In Love with Useless, la clarté des sons de Crushin ne peut qu’être salie par les murs d’amplis des festivals. Le groupe s’éteint avec cet album kaléidoscopique, très cohérent, ne laissant place qu’à l’errance solitaire dans ses pistes mélancoliques et dansantes au psychédélisme solaire.
Le palmier en noir et blanc de la pochette cristallise parfaitement ce qu’est cette musique et cet album de 47 minutes, aux basses qui redémarrent, aux nappes électroniques qui n’en finissent pas, le palmier californien se regarde en voiture en levant les yeux, il défile, imperturbable, symbole valise d’une douceur de vivre à laquelle s’ajoute une forme de débauche immobile.
Sea When Absent arrive parfaitement à l’heure, le groupe nous laisse après avoir digéré plusieurs années de ce que beaucoup de formations ne parviennent pas à dépasser. A Sunny Day in Glasgow a parfaitement compris ce qui posait problème à la pop contemporaine, à savoir un enfermement dans la citation, un vintage systématique, et un travail studio qui prend de plus en plus de place, au détriment de l’écriture. Le groupe a digéré tout cela et le vomit dans une masse de sons lumineux, tortueux, aux mélodies vocales aiguisées et aux claviers fondants, ouvrant un imaginaire mélangeant les époques et les humeurs. Un chef d’oeuvre.
Note: