Brand New-U, de Simon Pummell
Présenté en ouverture de ce XXIe Etrange Festival, ce film de SF anglo-saxon peine à convaincre, faute d’un manque criant de renouvellement du genre.
Alors qu’il fête son anniversaire avec sa petite amie Nadia, Slater voit celle-ci enlevée par une étrange organisation : Brand New-U. Pour la retrouver, il doit accepter de basculer dans un monde nouveau, où il renonce intégralement à son identité afin d’en adopter une nouvelle. Dans cet univers, Nadia a oublié Slater. Il doit non seulement la reconquérir, mais aussi affronter un homme qui est son double parfait, un clone de Slater.
Cette intrigue évoque des chemins déjà empruntés, que ce soit par Hitchcock dans Vertigo ou surtout par John Frankenheimer dans Seconds, où le personnage de Rock Hudson se voyait offrir nouvelle vie, nouvelle jeunesse. Malheureusement, Brand New-U n’arrive pas à la cheville de ses modèles, ne tirant jamais la sève mélancolique que contient pourtant son sujet. La faute de quoi ? À une caractérisation très faible, pour commencer. Car les deux héros sont si fades qu’on peine à s’intéresser à leur sort pendant 1h40, encore moins à croire à leur histoire d’amour. Quand Slater retrouve Nadia, le film avait la chance de devenir franchement émouvant, car le sujet est beau : comment séduire une personne qui nous aimé puis oublié ? Mais Pummell esquive la difficulté en filmant ses personnages de loin, de sorte qu’on voit seulement leurs lèvres bouger ! Le cinéaste tente de combler le vide en utilisant nombre d’effets-choc, montage clipesque et bande-son redondante. Las ! Car si le film est léché, le soin apporté à l’image s’apparente plus ici à de l’habillage qu’à de la mise en scène. Il faut regretter, pour finir, le manque d’originalité de l’univers proposé. Tout en verre et acier, cette représentation du futur a tout du déjà-vu. Des drones se baladent dans le champ, un peu comme au rayon hight-tech à la Fnac. C’est triste, tant la SF offre l’occasion de déployer l’imagination.
Mieux vaut donc revoir le film de Frankenheimer, qui avec plus de modestie et moins de fatras prétentieux, a conservé toute sa superbe.
Note:
Tag, de Sono Sion
Des sept films que Sono Sion réalise en 2015 ( !), deux sont présentés à l’Etrange Festival. C’est déjà bien, et l’occasion d’avoir des nouvelles de ce cinéaste dont les œuvres nous parviennent en France au compte-goutte. Evoquons aujourd’hui Tag, l’adaptation du manga The Chasing World. Difficile de résumer cette intrigue où l’héroïne Mitsuko, lycéenne, passe par divers niveaux de réalité. D’ailleurs, c’est assez secondaire. Ce qui importe, en revanche, c’est la générosité toujours reconduite du cinéaste japonais.
Certes, Tag peut déconcerter par les tours et détours qu’emprunte le scénario, et tous les rebondissements ne sont pas du même niveau. Mais la belle contrepartie, c’est de découvrir un film jamais à court de surprise, un tour de manège imprévisible et rempli de virages.
Cela démarre très fort. Deux cars de lycéennes cheminent sur des routes de montagne, dans un Japon de petites bourgades, étrangement familier, tant a priori il nous évoque plus un univers de série B américaine. Des plans aériens à la Shining laissent soupçonner qu’une présence maléfique rôde. Une bourrasque de vent vient alors sectionner les deux cars à mi-hauteur, tranchant par la même occasion le corps des adolescentes. Mitsuko, ne devant son salut qu’au fait de s’être baissée pour ramasser son stylo, se relève au beau milieu des corps de ses camarades envoyant des geysers de sang. Dans cette ouverture, suivie de la fuite affolée de l’héroïne dans les bois, Sono Sion prouve que loin d’être un simple amuseur décalé, il maîtrise parfaitement sa mise en scène.
A défaut de maîtriser son récit, dirons certes les mauvaises langues. Qu’importe, car une foi est à l’œuvre chez le cinéaste : foi en son univers, foi en ses personnages. L’absence totale de cynisme, l’humour jamais en défaut, l’appétit graphique et le renouvellement constant sont ici maîtres mots. Surtout, Sono semble faire des films en totale liberté, n’obéissant à aucun code, en premier lieu de genre. D’où le sentiment, exaltant, de voir un film pouvant partir à chaque instant dans toutes les directions. C’est pourquoi Tag fait partie de ces films qui aèrent et ouvrent le champ des possibles. Ça fait du bien par où ça passe !
Note:
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