Nous sommes tous influençables. Selon des degrés et des amplitudes différentes, selon notre vécue et notre vulnérabilité, selon nos sensibilités, nos aspirations, nos faiblesses. L’être humain possède cette faculté de manipuler devenant alors notre plus grande menace. Mais que se passe-t-il lorsque notre esprit de corruption engendre la mort ? Au delà de la fiction, l’Histoire ne cesse jamais de nous le rappeler : que ce soit de la manipulation de masse sous l’Allemagne nazie et autres régimes fascistes, ou au sein de communautés, sectaires pour la plupart, comme la sinistre « Famille » de Charles Manson ou plus récemment le groupuscule extrémiste Daesh.
Depuis quelques années, le phénomène des sectes fascine, intrigue, dérange et trouve peu à peu sa place sur nos écrans, aussi bien cinématographiques avec Martha Marcy May Marlene de Sean Durkin ou Kill List de Ben Wheatley (présent cette année à l’Étrange Festival pour une carte blanche) que télévisuels, notamment dans la sublime série Leftovers de Damon Lindelof (Lost). Le diptyque horrifique de James De Monaco, American Nightmare, proposait même un dispositif exacerbé faisant du gouvernement américain un gourou sanguinaire et de tous les citoyens des automates asservis à une ultra-violence faisant fi de tous principes déontologiques et moraux.
The Invitation propose un axe plus intimiste, se concentrant sur la douleur d’une famille et son cercle d’amis. Le récit ne possède qu’une seule unité de lieu, une belle maison moderne et mondaine, de temps, une chaude nuit californienne, et d’action, un dîner de retrouvailles. Will retrouve donc son ex-femme Eden, après deux ans d’absence. Deux ans de silence après le drame macabre qui leur arracha leur fils unique. Et si cela aurait pu présager une réminiscence d’un bonheur heureux et familier, il n’en sera finalement rien. Au cours de la soirée, il découvre petit à petit que quelque chose d’insidieux s’est emparée d’elle, et que la présence de ses nouveaux amis rencontré au Mexique n’a rien d’un hasard.
La réalisatrice Karyn Kusama (Girl Fight, Jennifer’s Body), nous offre un thriller paranoïaque empli de mystères et d’ambivalences. Huis clos incertain, qui accumule les ambiguïtés et étire ses minutes afin d’accentuer la tension grandissante que nous subissons. Et si la tendance actuelle est à la sur-explication, nous sommes à la fois déroutés et ravis de voir un long-métrage qui conserve certaines zones d’ombres et laisse volontairement certaines questions sans réponses. Nous en savons moins que les personnages eux-mêmes, on ignore l’identité de lui ou d’elle, on ignore ce qu’il s’est passé, on ignore le trauma qu’ils partagent et la menace qui les guette. Nous nous perdons dans de nombreuses hypothèse sans savoir véritablement qui dirige le jeu. Cluedo moderne de l’horreur, sans cesse, nous essayons de découvrir autant le passé que l’avenir. Et c’est agréable parfois de se laisser surprendre.
Hélas, le film ne trouve pas d’autre solution à ce suspens insoutenable qu’un jeu de massacre en bonne et due forme, sans surprise et sans réel effroi. Lorsque la caméra s’emballe dans le dernier quart d’heure, The Invitation nous montre la faillite de sa mise en scène, jusqu’ici assez plate mais portée par un superbe jeu d’acteur et une bande son frissonnante. Brouhaha sonore, montage découpé, effets gore, tout l’apanage du slasher moderne est alors utilisé pour nous en mettre plein la vue, comme si la réalisatrice niait toute la subtilité du dispositif qu’elle avait mis en place plus d’une heure durant. Sans jamais être totalement raté, ce final laisse un goût amer dans la bouche à peine rattrapé par le sublime dernier plan métaphorique.
Note: