Dix ans ! Il aura fallu attendre une décennie pour assister avec « Les reliques de la mort – 1ère partie » au véritable virage sombre de la saga Harry Potter, pourtant affirmé depuis la reprise de la franchise par David Yates dès « L’ordre du Phoenix » en 2007. Cependant, malgré cette revendication de prendre en charge le côté le plus noir de la série, les derniers films persistaient à reléguer hors champs les aspects les plus obscurs et violents des livres de JK Rowling, se contentant de les illustrer visuellement à la faveur d’un production design gothique de circonstance. L’adaptation cinématographique des aventures du jeune sorcier s’est en effet toujours heurtée à des choix narratifs systématiquement hasardeux, puisant dans la matière littéraire ce qui permettait de faire ronronner l’histoire de façon familière au spectateur, sans aucune prise de risque. C’est l’enchainement attendu des années d’étude à Poudlard, le défilé de professeurs, l’originalité des sorts et des potions, les matchs de Quidditch, qui sont certes les éléments décisifs du succès de la saga, un cérémonial attendu et parfois savoureux mais qui finissait par lasser à l’écran à force d’absence de renouvellement. La fraîcheur des débuts avait fait place à un ennui massif, « Le prisonnier d’Azkaban » mis à part, meilleur volet de la série car confié à un vrai réalisateur audacieux, Alfonso Cuaron.
Et puis l’an dernier, « Les reliques de la mort – 1ère partie » est venu contredire toutes nos certitudes, remettant d ‘aplomb une série en perdition en la dirigeant vers des motifs inédits et jusque là inexplorés. Contemplatif, mélancolique, s’éloignant de ses schémas répétitifs pour emprunter des chemins de traverse moins convenus, le film osait presque ne rien dire. Mais c’est dans ces déambulations, ces moments en creux, ce sur-place inattendu que la saga trouvait un nouveau moteur, refusant son cahier des charges narratif et décoratif habituel, assumant de façon explicite sa filiation au cycle du « Seigneur des Anneaux ». Hors de Poudlard, le changement de ton est radical, réaliste, loin de la fantaisie légère habituelle, la menace est pesante, le Horcruxe en pendentif pèse sur Harry Potter comme l’œil de Sauron sur l’anneau et les paysages de lande désertique que traverse le trio renvoient directement à l’hostilité du Mordor. En évitant la multiplicité des personnages et des intrigues, le film parvenait à recentrer ses enjeux autour de ses personnages, qui gagnaient tout à coup en épaisseur et en profondeur psychologique, plus qu’en six films de caractérisation superficielle. Tout cela augurait d’un final qu’on espérait rien de moins qu’apocalyptique, à l’image d’un « Retour du Roi » paroxystique.
Malheureusement, ces « Reliques de la mort – 1ère partie » n’auront agi que comme un leurre de courte durée, une sortie de route vite contrôlée. La conclusion de la série revient vite dans le respect strict de son cahier des charges, illustrant de façon plan-plan les péripéties du roman, sans aucun sens de la dramaturgie dans la conduite du récit, aucune intuition de mise en scène. Tout y est proprement littéral, interdisant tout souffle épique. La bataille de Poudlard tombe à l’eau comme un soufflet qui se dégonfle et l’affrontement entre Harry Potter et Voldemort, climax le plus attendu se réduit à un duel à la baguette, lumière rouge contre lumière verte statique et anti cinématographique au possible. L’émotion est absente, la direction d’acteur réduite à néant ou plutôt à un concours de froncements de sourcils et de regards vagues dont le sérieux imperturbable crée un effet comique a contrario involontaire. Le film, dans son manque d’ambition (autre que celle d’engranger des dollars) en oublie son caractère conclusif (ne parlons pas de l’épilogue : grotesque !). On aurait aimé que ce dernier épisode soit une somme, contienne l’ensemble de la saga rétrospectivement pour la restituer in fine au spectateur. Mais non. Il aurait fallu pour cela confier les rennes de la mise en scène à des réalisateurs, comme Alfonso Cuaron, qui ont une vision, qui auraient été capable d’imprimer leur patte à chacun des épisodes de la série. On se prend alors à fantasmer le résultat aux mains d’un Tim Burton ou d’un Guillermo Del Toro, mais pourquoi se faire du mal ?
Note: