Évidence absolue, Deadpool est très certainement le film le plus cool que Marvel n’ait jamais offert aux aficionados de ses paradoxes virilistes en habits fluos. Caractérisé en grand frère modèle (d’irrévérence), son anti-héros éponyme n’aura aucun mal à emporter l’adhésion d’une jeune génération qui semble souvent rêver de légèreté et de dérision plus que de profondeur et de poésie. Toutefois et passé la première gorgée de cette œuvre en forme de pinte entre copains, la binouze qu’elle contient disposera-t-elle de suffisamment de moyens pour révéler quelques subtils et inattendus arômes ?
La réponse est immédiate et c’est un grand non. Tout l’objet de Deadpool est d’étourdir en ne s’attachant qu’à provoquer l’ivresse de ses futurs fans. Avec un humour essentiellement basé sur la légèreté du personnage, ses références à la pop culture et ses mises en abîme permanentes (du générique moquant les personnages à la prise à partie récurrente des spectateurs, en passant par une vanne du personnage qu’il incarne sur Ryan Reynolds lui-même), ce Deadpool tournera tout ce qu’il touche en dérision. Mais si tout le monde est ridiculisé par son principal protagoniste (qu’il s’agisse de ses X-men acolytes ou de ses forces antagoniste), le spectateur, lui, ne sera jamais ouvertement pris pour un idiot, mais toujours invité à la connivence.
De fait Deadpool s’impose donc en invitation drôle et généreuse. L’Ugly Hank Moody sous cocaïne et mutagène qui lui sert de capitaine s’illustre suffisamment pour mener son équipe à bon port, rattrapant un scénario très plat (mais admirablement relevé par un sens du rythme et une narration flashbacks / flashforwards qui invite à le suivre sans déplaisir) par une action tonitruante. Puisant dans l’élégant tout-chorégraphique de la fin du XXème siècle (que Matrix illustrait brillamment) plutôt que dans la brutalité platement réaliste des ennuyeux corps à corps modernes (Bane affrontant Batman dans The Dark Knight Rises), Deadpool bénéficie d’une mise-en-scène stylée qui calque bien avec le personnage mais ne compensera jamais tout à fait une univers graphique quelconque, voire carrément laid.
Agaçant tant il est arrogant, Deadpool déjoue ses nombreuses failles et son manque cruel d’ambitions avec une facilité déconcertante. Il suscite le rire, le plaisir sanguinolent (à peine moins décomplexé que chez Tarantino) et n’ennuie jamais. Il est le film d’un personnage et de rien rien d’autre, facile, complètement dans l’air du temps, qui séduit en cela qu’il n’impose que de l’agréabilité et ne semble jamais tenir le moindre discours de manière consciente, si ce n’est superficiellement et à la toute fin (Le héros est défiguré mais il n’y a pas que le physique qui compte. Merci Oui-Oui !). L’on se demande alors s’il n’évite les grands sujets que pour tenir sa ligne fun où s’il les évite par incapacité totale à porter une vision du monde qui ne soit pas dans la totale complaisance du plaisir recherché par ses spectateurs.
Antinomique d’un Spiderman dont les personnages interrogeaient des notions d’ordre moral et humain, celui de Deadpool n’accède à sa grandeur que parce qu’il ne s’en pose aucune. Et c’est peut-être un moindre mal lorsque l’on devine, en creux, la vision conservatrice qu’il porte sous les nombreux artifices destinés à l’en dédouaner. Ainsi, dans Deadpool, la fusion d’un couple passe par une année ininterrompue de cul et celui de Monsieur a parfois droit au gode-ceinture. Mais hélas et passé un an, on semble avoir bien du mal à parler d’autre chose que d’un mariage et de beaucoup d’enfants. Pour autant et de gamins, ce plaisir cinématographique coupable en méritera au moins un, dans quelques années et lorsqu’il aura gagné en maturité.
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