Green Room de Jeremy Saulnier, maintenant l’apocalypse. Sauvage et beau.
Deux ans après le formidable Blue Ruin, Jeremy Saulnier nous livre Green Room, son nouveau film, en forme d’uppercut frontal. Le film est un choc, un pur film de siège, un survival dense, réaliste, ultra-violent, imprégné de brutalité et d’innocence.
Une violence frontale, anti-spectaculaire où les principales armes se résument à quelques machettes, quatre chiens de combat, un cutter et beaucoup de chevrotines. Une violence sourde qui alterne le champ et le hors-champ. Une tension en montagnes russes émotionnelles qui ne laisse aucun répit aux spectateurs abasourdis et hallucinés.
Cela faisait longtemps, très longtemps. Peut-être même depuis Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper.
Comme le chef-d’œuvre de son aîné, Green Room commence dans un van.
On y découvre The Ain’t Rights, un groupe d’adolescents qui joue du punk-rock pied au plancher. Alors qu’une tournée désastreuse se termine, ils acceptent un dernier concert dans un bar aux fins fonds de l’Oregon, tenu par une bande de néo-nazis.
Alors qu’ils envoient Nazi Punks Fuck Off des Dead Kennedys comme une provocation à cette bande de skinheads désœuvrés, les ados juvéniles déroulent leurs morceaux et empochent les 350 dollars promis.
Alors qu’ils s’apprêtent à quitter les lieux, ils tombent nez-à-nez avec un cadavre, la tête perforée d’une lame affûtée.
Les ennuis commencent. Le gang des skinheads est bien décidé à ne pas les laisser sortir et commence à les découper, les uns après les autres.
Le film est un huis-clos alternant des principes de mise en scène dans des lieux confinés : la salle, la loge, le bunker sous terrain.
Nos adolescents n’ont qu’une obsession : survivre. Ils élaborent des schémas tactiques pour sortir du piège qui sont autant de petits manifestes de mise en scène. Absolument réjouissant. De l’adrénaline pour cinéphiles.
Se confrontent alors la brutalité de l’horreur et la sensibilité du teen movie.
Ce qui s’offre sous nos yeux ébahis, c’est la perte de l’innocence face à la barbarie organisée. Petit-à-petit, les survivants du massacre se révèlent à eux même et deviennent des combattants.
Des combattants d’un ordre ultra conservateur à l’idéologie nauséabonde. Si le film est d’abord un élan vital avant d’être un film politique, il attaque de plein fouet l’organisation totalitaire qui ronge l’équilibre du monde et détruit l’innocence de la jeunesse.
Ce qui est magnifique dans le film, c’est que l’on ressent pleinement cette beauté adolescente qui se délite. Elle se suspend devant nos yeux par l’utilisation de ralentis magistraux et par une bande sonore souvent désynchronisée. On y retrouve le meilleur du teen movie, un peu à la manière d’un David Robert Mitchell, auteur de It Follows, et la puissance du film d’horreur.
Le film vertigineux de malaise sait certes induire des moments de beauté rageuse, mais aussi des moments très drôles, de tchatche, de vannes à la mitraillette. C’est l’adolescence du réel qui nous est présentée.
Le casting est lui aussi exceptionnel. Anton Yelchin, Imogen Poots, Alia Shawkat irradient de lumière cette bande juvénile. Sir Patrick Stewart campe une des ordures les plus inquiétantes vues au cinéma. Et Macon Blair, le personnage principal de Blue Ruin, retrouve Jeremy Saulnier dans un rôle de Skin en quête de rédemption.
Le film est une bombe, un objet jouissif et vivant. Son épilogue au milieu des chiens de combat recouverts du sang des gorges déchiquetées est sidérant. Maintenant l’Apocalypse. Certainement.
Green room – Sortie en salles le 27 avril 2016
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