Chaque année, la grand’messe indie recommence. De plus en plus, le Pitchfork Music Festival de Paris se médiatise, est relayé – grâce notamment à une transmission en direct, puis en replay des concerts via Culturebox – et attire les foules. Si cette édition n’aura vraisemblablement pas fait salle comble, comparée à une année précédente à la programmation folle (est invoquée la frilosité des habituels spectateurs étrangers à l’approche du triste anniversaire de l’attaque du Bataclan), cette année fut celle de la jeunesse, autant dans le public que dans la majorité du line up. Une croissance qui ne fait pas du festival un ersatz de Solidays ou de Rock en Seine (pour citer deux mastodontes parisiens), en témoigne ce premier jour de festival.

Contrairement à ses grands frères, le Pitchfork Music Festival Paris tend à offrir un espace d’expression à des artistes plus habitués aux petites salles ou aux clubs select qu’aux arènes et autres stades. Dans les noms de ce jeudi soir, la seule célébrité fut l’ancienne gloire de l’Abstract Hip Hop des années 1990, DJ Shadow qui fêtait justement les 20 ans de son immense – et quasi seul grand album – Entroducing. Un artiste qui a justement vécu, à la manière d’un Tobe Hooper et son Massacre à la tronçonneuse, dans l’ombre de son premier et unique chef-d’œuvre. Et, malgré quelques effets visuels de toute beauté (fausse 3D, écrans hypnotiques) et des remix inspirés de ses anciens tubes, le live fut justement l’un des moins passionnants de la soirée. À l’inverse, la fougue et la jeunesse de Parquet Courts – noise/ garage rock classieux et un brin punk – et la sensibilité des non moins juvéniles Mount Kimbie – post-dubstep qui succéda justement à DJ Shadow –, incarnèrent par leur prestation l’importance du regard donné par le festival à la musique actuelle. Plutôt qu’aller chercher les immortelles momies qui composent les habituelles têtes d’affiches, autant dénicher les auteurs pertinents, ceux qui définissent les sons d’aujourd’hui et de demain et qui le font avec un talent et une originalité indéniable.

Néanmoins, si l’on a découvert avec joie les envolées bizarres proches d’Ariel Pink de Aldous RH et le rock sous vitamine de Lucy Dacus, qui ont tous deux eu la difficile tâche d’introduire la soirée devant un public quasi inexistant, la programmation de Nick Murphy (alias Chet Faker) en clôture témoignait, elle, des limites de la méthode Pitchfork. Propulsée tête d’affiche là où l’année dernière on avait eu le droit aux géniaux Beach House, l’idole des jeunes branchés parisiens n’avait qu’un catalogue léger de chansons – pas franchement extraordinaires – à proposer (il n’a qu’un album à son actif, quelques singles et collaborations et un second opus à venir). Si une énergie indéniable transparaissait du soulman australien, il était difficile de complètement adhérer à la succession de titres surfant sur le revival 70’s/80’s qui sévit de nos jours, surtout depuis que Bruno Mars et son compère Mark Ronson nous en ont donné la nausée.

De ce jeudi soir, on retiendra surtout les shows incroyables de SUUNS et de Floating Points, qui se sont d’ailleurs suivis, offrant chacun un moment atmosphérique intense et hallucinogène. Les premiers sont des habitués des festivals, et s’ils n’ont jamais réellement produit un classique en studio, se sont faits une belle réputation par leur jeu scénique troublant et angoissant. Les visages cachés dans l’ombre, chaque musicien a livré des salves de notes électroniques et post-punk rappelant un croisement inouï entre Joy Division et Massive Attack. De son côté Floating Points nous avait éblouis l’année dernière avec l’un des meilleurs disques electro de 2015 – Elaenia. Il venait logiquement jouer l’intégralité de ce dernier, accompagné cette fois d’un groupe (batteur, guitariste, bassiste) et forcément en résulta un instant d’émotion unique, passant du jazz au psychédélisme, du classique à l’IDM.

Crédit photo : Vincent Arbelet

Note: ★★★★☆

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