Avec Personal Shopper, prix de la mise en scène mérité à Cannes, Olivier Assayas filme l’invisible et fétichise Kirsten Stewart, tout simplement ahurissante.
Maureen (Kirsten Stewart) vit à Paris dans le deuil de son frère jumeau, Lewis, brutalement disparu des suites d’une malformation cardiaque.
Médium, la jeune américaine attend désespérément que se manifeste l’esprit de son frère.
Pour payer son séjour en France, elle s’occupe de la garde-robe d’une célébrité en tant que Personal Shopper.
Entre le matérialisme aliénant de l’univers de la mode et l’abstraction d’un spiritualisme rédempteur, Olivier Assayas filme à l’interstice.
C’est-à-dire dans cet espace fragile situé entre les éléments : la vie et la mort, le rationnel et l’irrationnel, le visible et l’invisible, le superficiel et le profond.
Étrangement hué à sa projection cannoise, Personal Shopper est pourtant un objet fascinant et ambitieux.
Comme dans Blow-Up d’Antonioni, Olivier Assayas fait le pari de filmer l’invisible. Comme le cinéaste italien, il inscrit son récit aux frontières de la croyance, des arts plastiques et de la mode.
En voulant se connecter à l’esprit de son frère, Maureen cherche le salut dans le rejet d’un monde matériel, s’en remettant à la force de la pensée et des idées.
Olivier Assayas cite explicitement deux grandes figures de la littérature et des arts plastiques qui ont fait ce chemin : Victor Hugo et Hilma Af Klint.
Le premier, à l’issue du coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte en 1851, part en exil sur l’Ile de Jersey. Cet exil durera dix-neuf ans. C’est là qu’il communiquera quotidiennement avec les esprits. Celui de sa fille morte noyée mais aussi ceux de grandes figures du passé : Dante, Shakespeare, Platon, etc … Au total plus d’une centaine d’esprits viendront par leurs révélations le conforter dans ses intuitions poétiques, philosophiques et religieuses.
La seconde, figure de l’art abstrait avant Kandinsky, Mondrian ou Malevitch, était convaincue que ses œuvres lui étaient dictées par l’au-delà.
En somme, se connecter aux esprits, c’est se connecter à sa vie, trouver le chemin des idées, donner du sens aux actes.
Le propos d’Assayas est résolument contemporain dans un monde où la vitesse et l’immédiateté démissionnent le temps de la pensée.
Maureen cherche simplement à retrouver le contact avec elle-même. Elle a besoin de se débarrasser de son passé et de surmonter ce deuil pour devenir ce qu’elle est vraiment mais qu’elle ignore.
La mise en scène est impressionnante.
Olivier Assayas filme Maureen naviguant dans un balai d’images comme une synthèse de son cinéma.
Des images cliniques et froides de Demonlover aux images obscures et inquiétantes d’Irma Vep en passant par les ellipses de Sils Maria, Assayas signifie l’invisible par la puissance de son cinéma.
Il ose le mélange des genres et passe allégrement du thriller nerveux au film de fantômes, du portrait fétichiste à l’étude de mœurs. Le caractère hybride de Personal Shopper casse les repères et renforce par là-même l’étrange sentiment d’incertitude du spectateur.
Personal Shopper est aussi un film d’observation sensualiste. Kirsten Stewart est totalement fétichisée par le cinéaste. Il la filme littéralement sous toutes les coutures. Cette chimie est absolument fascinante que la jeune actrice soit nue ou vêtue, dans son bain ou sur son scooter, dans des apparats de grands couturiers ou simplement en jean / t-shirt.
Kirsten Stewart irradie la mise en scène par sa présence magnétique. Elle est exceptionnelle.
Olivier Assayas livre sans aucun doute un grand film aux intentions de cinéma parmi les plus passionnantes vues cette année.
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