Avec Paterson, Jim Jarmusch livre une sublimation du quotidien par la poésie. Un hymne puissant à la simplicité en forme de Haïku.
Paterson (Adam Driver, formidable) est chauffeur de bus à Paterson, New Jersey.
Son quotidien est réglé comme du papier à musique.
Il se réveille à 6h15, prend son petit déjeuner, rejoint sa ligne de bus, fait sa pause déjeuner en contemplant une cascade à l’orée de la ville, retourne à la maison, promène son chien et boit une bière au bar du coin avec les habitués.
Paterson est amoureux.
Il vit en couple avec la délicieuse Laura (Golshifteh Farahani, tout aussi formidable), dont la vie se règle sur les pas de son chéri.
Les affèteries de leur bouledogue, Marvin, rythme leur vie de micro-accidents qui soudent cet amour indéfectible.
Un bonheur simple, concret, prosaïque à l’image des poèmes qu’écrit en continu Paterson sur un carnet qu’il porte toujours sur lui.
Paterson, c’est aussi la ville de William Carlos Williams, poète américain, auteur du recueil de poésies Paterson et grande figure du modernisme et de l’imagisme.
Jim Jarmusch filme comme un haïku, ces poèmes japonais composés de trois vers, élaborés toujours sur le même rythme, qui retranscrivent la beauté fugace d’instants de vie, de sentiments éphémères et puissants.
Il imprime à son film la puissance calligraphique des lettres japonaises en jouant la surimpression des écrits de Paterson à l’image, soutenue par la voix grave d’Adam Driver. La mise en scène du cinéaste est d’une beauté folle et apaisante.
Jim Jarmusch procède, comme il sait si bien le faire, par une addition de rituels, de détails contemplatifs qui créent un sentiment d’appartenance totale à l’humeur du film, si simple et si douce.
Car oui, Jim Jarmusch filme le bonheur, la vie heureuse, la beauté des accidents microscopiques du quotidien avec une nonchalance totalement maîtrisée.
Paterson est donc chauffeur de bus. Rien de plus rectiligne, répétitif, standardisé que conduire une ligne de bus. Et pourtant, il puise son inspiration dans l’observation des nuances : la buée sur les vitres qui donne à voir les formes de la rue, la lumière du ciel, chaque jour de manière différente à celle de la veille et du lendemain.
Les conversations volées entre voyageurs, jeunes et plus âgés, amoureux ou solitaires viennent percutées son imagination et lui donnent l’inspiration.
C’est particulièrement beau car Jim Jarmusch livre un hymne au réel, aux choses terriennes, subtiles, aux particules sentimentales et à la croyance profonde qu’il a en l’humanité.
Et si la simplicité était finalement la forme la plus avancée de l’imagisme et du modernisme, comme le clame William Carlos Williams. Vivre, tout simplement, et s’abreuver des beautés à portée de main que l’on finit par ne plus voir.
Un film à contre-courant, c’est certain, qui se boucle par un épilogue magnifique où par une brève rencontre au coin d’un jardin, la beauté n’est plus l’oasis de Paterson mais devient universelle.
Un grand film minuscule !
Note:
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