La morgue est le lieu symbolique d’un passage à un autre, véritable entre-deux qui a souvent fasciné l’art en général. On songe notamment aux célèbres peintures de Rembrandt (La leçon d’anatomie du Docteur Tulp) ou à l’œuvre littéraire « Thérèse Raquin » où Emile Zola décrit un des passe-temps morbide et voyeuriste de l’époque, assister à l’arrivée des cadavres. Le septième art le représentera lui aussi, le mettant en scène comme un lieu d’angoisse, de tension et d’incertitude. On ne s’y sent jamais en sécurité, comme si les morts pouvaient à tout instant se relever. La série Tru Calling en fera le point de départ de chaque intrigue en début d’épisode, tandis que le cinéma d’horreur tel que Au-delà de Lucio Fulci ou Mortuary, de Tobe Hopper prendra la morgue comme prétexte afin de faire naître l’effroi. Un effroi souvent accompagné de hurlements et d’hémoglobine.
Dans The Jane Doe Identity, l’action se déroule exclusivement en huis clos, dans une gigantesque morgue familiale où travaillent un père et son fils. L’auteur évite l’habituelle représentation du cadre en aérant au possible ses plans, en optant pour une lumière artificielle et chaleureuse ainsi qu’en l’agrémentant d’autres pièces (un crématorium, un bureau, un ascenseur, etc.). De plus, l’utilisation de miroirs et de reflets redouble cet espace sensationnel, inventant des scènes plus angoissantes les unes des autres.
Réalisé par André Ovredal, auteur du très remarqué The Troll Hunter, en 2011, The Jane Doe Identity raconte la terrible nuit d’un père et d’un fils croques-morts devant faire l’autopsie d’une inconnue (appelée comme l’usage le veut, Jane Doe). Découverte dans des conditions étranges, le macchabée se révélera porteur d’un mystère encore plus grand, impliquant sorcellerie et attaque de zombies.
The Jane Doe Identity plonge dans l’horreur pure, rappelant le meilleur de James Wan (Conjuring, Insidious), en accordant une grande place aux interactions entre ses personnages ainsi qu’au cadre et à son atmosphère pesante. Autre singularité réussie, le découpage du film suivant les différentes étapes d’une autopsie permettant une montée crescendo de l’angoisse, toujours plus en profondeur, jusqu’à une contamination des morgues. L’esprit scientifique n’enlève pourtant rien à l’horreur irrationnelle que nous ressentons au fur et à mesure, et qui nous emprisonne dans ce huis-clos haletant. Bien que le film s’empêtre dans une dernière demi-heure bavarde et explicative faisant écho à quelques traditions ésotériques, le résultat n’en n’est pas moins satisfaisant, offrant un regard original et renouvelé sur ce genre d’œuvre. Et en bonus : quelques frissons sur nos bras.
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