Sur le papier, le samedi était sûrement la meilleure programmation des trois soirs au Fort St Père. Les prestations de la veille ont mis en doute ce fait établi, laissant un peu plus de pression encore aux cadors de la soirée. De quoi faire saliver un public pourtant déjà conquis.
Résolument ancré dans un rock – disons – plus traditionnel, nous retrouvons ce soir les habitudes du festival malouin : un mélange entre des artistes confirmés, quelques habitués du site et les dernières petites pépites.
Mais la vie est incompréhensible, car cette recette n’a pas toujours pris. On pense parfois avoir compris le pourquoi du comment et on a souvent tort. Mais il arrive des fois où l’on tombe juste, et cette année il n’y avait pas de doute possible.
Tout commence avec les petits nouveaux de Cold Pumas, qu’on aura malheureusement à peine entendu en raison d’une arrivée un peu tardive sur le site. Mais nous ne voulions surtout pas rater le concert de Parquets Court, de retour depuis leur premier passage en 2013. À l’époque nous avions déjà été séduits par cette musique post punk. Les recroiser à Toulouse avait confirmé tout le bien qu’on pensait d’eux. Cette fois encore, leur prestation ne fera que rajouter de la satisfaction.
Prévu pour le coucher de soleil, Parquet Courts, cette fois sur la grande scène, s’en donne à cœur joie. La bande à Andrew Savage et Austin Brown représente un mélange détonant, entre la fougue punk de ses compositions et la maîtrise de sa musique. Elle est à la fois complètement timbrée et sûre de ses forces, ce qui rend l’ensemble incroyablement excitant.
Les Américains auront en face d’eux un public nombreux bien qu’encore un peu clairsemé… Mais pour un passage aussi tôt, ils réalisent un très bon score. Il faut dire qu’avec un cinquième album sorti l’année dernière, Parquet Courts a renforcé une playlist qui était déjà bien fournie en fulgurances. On retrouvera les classiques de Sunbathing Animal évidemment et les dernières trouvailles de Human Performance, Dust en point d’orgue.
Suite à la déferlante post punk, place au revival avec le retour inattendu d’un groupe écossais, Arab Strap. Composé des deux artistes formidables que sont Aidan Moffat et Malcolm Middleton, l’histoire du groupe folk rock est assez amusante. Formé en 1995, les Écossais rencontrent un succès d’estime indéniable, même si les ventes n’atteignent pas les espoirs de leurs maisons de disque. Après dix ans de carrière, le groupe décide de se séparer avec la publication de la compilation Ten Years Of Tears, dont la pochette montre les deux musiciens boudant chacun de leur côté lors d’une fin de soirée arrosée. Et c’est encore dix ans plus tard que les Ecossais ont relancé la machine Arab Strap, pour notre plus grand plaisir, après que chacun des deux Écossais ait poursuivi une carrière solo avec plutôt de belles réussites.
Quelle joie d’entendre sur scène, en direct et avec enthousiasme, des chansons comme Don’t Ask Me To Dance du dernier album The Last Romance, ou Fucking Little Bastard et The Shy Retirer de l’album Monday At The Hug & Pint, tout en finissant par The First Big Weekend issue de leur tout premier album The Week Never Starts Round Here. Un plaisir non dissimulé sur scène comme dans le public, pour un concert beaucoup trop court qui aura marqué les esprits.
Suite à ce concert historique, place à l’un des succès du moment avec la venue sur scène de Temples, leur deuxième fois à la Route du Rock après leur programmation à l’édition de 2014. Les Anglais ont bien raison de revenir en terrain conquis, ils attaquent d’entrée avec leur titre phare du moment, Certainty, qui ouvre également leur dernier album sorti en 2016 Volcano. De quoi prendre d’entrée les fans dans le sens du poil. Il faudra alors enchaîner les tubes pour maintenir l’ambiance générale, mais le groupe en a sous le coude. Le concert sera de qualité, ponctué comme il se doit par leur autre titre phare Shelter Song, issu de Sun Structures, leur premier album de 2014.
Même si Temples pouvaient faire figure de tête d’affiche, ils n’en mèneront pas large face à la prestation incroyable de ceux qui les ont succédés sur la Grande Scène du Fort St Père. Nous ne savions pas vraiment quoi en penser, tant les reformations paraissent parfois un peu surfaites, mais en ce qui concerne The Jesus And Mary Chain, véritable figure angulaire du shoegazing depuis la fin des années 80, nous avions de bons espoirs d’un concert à minima correct. En effet, la reformation date désormais de 2009 et passés les premiers concerts aléatoires du deuxième élan, les Écossais se sont depuis largement rodés. Ils ont même sorti cette année un nouvel opus intitulé Damage and Joy qu’ils défendent fièrement.
Le show sera tout simplement impeccable de justesse et de maîtrise. Les frères Reid, désormais aux cheveux grisonnants, n’avaient pourtant pas les faveurs d’une admiration sans faille. Mais très rapidement leur prestation, leur maîtrise du son et bien évidemment la qualité intrinsèque de leurs compositions ont eu raison des derniers sceptiques, dès la fin de leur deuxième chanson. Il faut dire qu’avec des titres issus de l’incontournable Psychocandy avec, en tête de liste, Just Like Honey, il ne pouvait en être autrement. La revisite de l’œuvre de Jesus and Mary Chain s’est révélée être un régal au sens large et fait partie sans aucun doute possible des meilleures prestations du week-end.
Un peu abasourdis par ce magnifique set, nous regarderons de loin les très attendus Black Lips, musique encore assez énergique dont la distance nous a permis de supporter un réglage hasardeux sur les cordes, qui a visiblement rendu le concert assez inconfortable pour le public. Malgré tout, il y a eu d’excellents retours pour la prestation des très prometteurs Américains.
Nous nous sommes préparés à suivre le concert également très attendu ce soir des talentueux Future Islands, dont les prestations scéniques sont toujours couvertes de louanges en grande partie en raison de l’investissement physique du fou chantant, Samuel T Herring. En effet, ce dernier ne joue pas d’instrument et concentre toute l’attention du public de par ses envolées sonores et aussi ses danses improbables et l’énergie incroyable qu’il dégage.
C’est la première fois que les Américains se produisaient à la Route du Rock et nous n’avons pas été étonnés de les voir programmés tant ils collent parfaitement avec l’univers du festival. Ils défendent cette année leur nouvel album The Far Field, eux qui ont mis un certains temps avant d’approcher la lumière grâce notamment à l’excellente chanson Seasons (Waiting On You) issue de Singles, leur 4ème album studio.
La particularité de Future Islands c’est qu’ils n’ont pas de guitares sur scène (même si William Cashion joue de la basse) ce qui rend les chansons des Américains de Baltimore assez étonnantes. Il faut cependant avouer que les compositions de Future Islands restent toutes assez proches les unes des autres et il faut reconnaître qu’un sentiment de redite finira par nous envahir en toute fin de concert et ce malgré tous les efforts de Samuel T Herring. Bref, le concert aura tenu ses promesses, mais nous aura malheureusement laissés un peu sur notre faim sur la dernière ligne droite.
Nous n’étions absolument pas déçus, car en réalité le meilleur était à venir avec Soulwax, les grands gagnants de la soirée (et peut-être même du week-end ?) et assez haut la main.
Restés longtemps sous silence, voilà douze ans que les frèrse Dewaele, belges de leur état, n’avaient pas sorti d’album sous le nom de Soulwax. En 2004, Any Minute Now, avait littéralement cassé la baraque avec des titres comme NY Excuse ou encore E Talking. Mais c’est bien tout l’album qui était rempli de perles. On parlait à l’époque d’un cousin européen de LCD Soundsystem. Entre-temps, les frères ont surtout officié sous le nom de 2 Many DJ’s, s’amusant lors de leur DJing à du Mash Up, c’est-à-dire compiler deux chansons différentes pour n’en faire qu’une et bien entendu à des remix de chansons à succès. Ils participeront aussi au film Belgica sorti cette année, en composant la totalité de la bande originale.
La sortie cette année de leur dernier travail From Deewee, enregistré en une seule prise en studio, n’a pas eu le même succès que le précédent album. Mais pour avoir vu la prestation scénique de Soulwax, on peut vous l’assurer : ça en vaut franchement la peine !
Tout d’abord pour sa mise en scène. Venus en force, ce ne sont pas moins de sept musiciens qui sont présents, tous vêtus d’une chemise blanche et d’un pantalon sombre, dont pas moins de trois batteries : record battu ! Ces dernières sont situées sous des pergolas de fortune, créant une sensation d’enfermement et renforçant la réverbération des tambours qui seront largement maltraités pour notre plus grand plaisir. Les frères Dewaele, eux, sont au centre de la scène l’un en face de l’autre et de côté par rapport au public, triturant les boutons de leurs fabuleuses machines à succès. Le rendu est simplement magnifique et la musique est maîtrisée à la perfection, oscillant entre longues plages électroniques et séquences percussionnistes à trois de folie.
Soulwax ne coupera le son que pour terminer son concert. Tout du long, le groupe s’amusera à distiller par-ci par-là des parties de leurs tubes d’antan mais fera surtout la part belle à ses nouvelles compositions comme Masterplanned, Is it Always Binary (avec son intro dingue) ou encore la très krafwerkienne Conditions Of A Shared Belief.
Ce concert final pour la soirée du samedi aura été la plus belle cerise sur le gâteau déjà bien consistant. La Route du Rock en 2017, c’est fort.
Note:
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