Ceux qui se souviennent du segment animé de Kill Bill Vol.1 sur la jeunesse de O-Ren Ishii identifieront certainement dans Redline le trait caractéristique de Takeshi Koike qui en est le metteur en scène : épaisseur des contours, lignes flottantes et impression de crayonné qui donnent un sentiment d’imperfection dans le graphisme tout en imprimant à la pellicule une forme d’urgence, d’instabilité, de danger qui maintiennent le spectateur en alerte. On est loin du dessin photo-réaliste lisse et confortable de la majorité des films d’animation actuels mais plutôt quelque part dans les années 70, du côté de Metal Hurlant, Rank Zerox et Moebius. Il faut dire que Redline va puiser ses influences dans cette période où fleurirent bon nombre de films de courses automobiles futuristes, Cannonball et La course à la mort de l’an 2000 en tête, justifiant ce design retro. L’hypothèse d’une mise à jour de ce sous genre cinématographique sous la forme d’un film d’animation avait de quoi exciter nos attentes, permettant a priori toutes les folies visuelles sur la vitesse que n’autorise pas un tournage en réel. Il suffit de se remémorer la scène de course poursuite en moto inaugurale d’Akira pour se convaincre de la suprématie du cinéma animé en la circonstance.
Nulle crainte à avoir, dès qu’il s’agit de filmer les courses, Redline remplit pleinement son cahier des charges, osant les déformations de matière, des corps et des visages lors des phases d’accélération, usant des perspectives les plus improbables et d’un montage ultra cut qui vise à procurer au spectateur des sensations euphorisantes. Le but est bel est bien de nous embarquer littéralement dans un bolide pour nous faire vivre une expérience intense et excessive, martelée par une musique techno aux beats syncopés et des effets de couleurs stroboscopiques favorisant l’état de transe. La démonstration technique ne déçoit pas sur ces deux séquences de course auto : celle de qualification qui débute le film et qui sidère d’entrée le spectateur, et la grande finale qui clôture le métrage dans un délire visuel et sonore ahurissant, mélangeant sans complexe le kaiju eiga (le film de monstre japonais) et le seishun eiga (qui s’adresse au public adolescent, ici personnalisé par un duo de conductrices rose bonbon). Le sentiment immersif est total et peut s’apparenter à celui que procure le jeu vidéo.
Entre les deux, on serait tenté de dire qu’il ne se passe pas grand chose, Takeshi Koike échoue à intéresser le spectateur entre ces deux climax. Redline démarre sur les chapeaux de roue, c’est le cas de le dire, se termine dans un grand coup d’accélérateur surréaliste, mais ne parvient pas à réussir la jonction entre les deux. Le film use et abuse des sources télévisées (journalistes commentant les courses, présentation des pilotes sous forme de clips, flashs infos…) comme d’un procédé commode pour combler le vide narratif, pose un contexte politico militaire grossier dans son imagerie nazie facile, essaie de nous concerner avec la construction de la voiture et les manœuvres en arrière fond des bookmakers et du manager, tente une ébauche de comédie sentimentale mais rien n’y fait. On aurait aimé que le film assume jusqu’au bout son statut d’oeuvre ultime et décérébrée et laisse hors champs ces sous intrigues qui ne font que susciter l’ennui, comme la vision d’un grand prix de formule 1 un dimanche après-midi.
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