Un vrai fauve, il est vrai, ce Marino Paciléo. Sauvage et puissant, ce comptable véreux d’une prison napolitaine sait y faire dans une ville où la loi du plus fort donne souvent raison. Entre institutions corrompues et omniprésence des mafias, Naples revêt parfois les atours d’une véritable jungle où il est en effet plutôt conseillé de jouer le rôle d’un tigre que celui d’un singe pour y survivre.
Pour « Gorbaciof » – surnom de Marino en raison d’une tache de naissance à la mode au Kremlin à la fin des années 80 – la parole est rare et les mots prononcés avec ses congénères et autres collègues se comptent sur les doigts d’une main à la fin de sa journée. Il est plus utile de grogner ou de se battre dans une ville qui tend à se rapprocher plus du monde animal que de la « cité » chère à Platon.
Toujours affublé du même costume gris un peu étroit, notre comptable interprété impeccablement par Toni Servillo se taille une histoire « monochrome » et sans surprise. Entre petits détournements de fonds et menus larcins orchestrés avec ses collègues matons pour financer sa dépendance au jeu, notre personnage erre silencieusement dans sa vie avec une apathie peu amène.
Seule la puissance des cartes peut encore égayer cette vie de petit fonctionnaire corrompu. Au moins le hasard sait forger les destins : il peut autant caresser les âmes chanceuses que les envoyer en enfer. Rien de tel qu’un tripot pour jouer avec sa vie quand celle-ci vous ennuie.
C’est alors qu’il commence à s’intéresser à la fille d’un restaurateur chinois accessoirement voisin malchanceux de sa table de jeu. Belle, délicate et rayonnante dans ses habits traditionnels de couleurs vives, la jeune femme remet en branle la mécanique du désir chez Gorbaciof.
Et pourquoi ne pas y croire encore après tout ?
Toni Servillo, après « Gomorra » , « Il divo » ou encore tout récemment « Una vitta tranquilla », persiste et signe avec cette nouvelle interprétation digne d’un très grand comédien. Cet acteur, qui perce véritablement l’écran, va sûrement se rendre de plus en plus incontournable au cinéma italien.
Tourné quasiment sans parole, « Un tigre parmi les singes » nous livre une mise en scène extrêmement bien léchée au service d’une histoire d’amour improbable. L’intimité et la poésie de la caméra du napolitain Stéfano Incerto nous offrent des plans de toute beauté. La rareté des dialogues devient ici une puissante arme narrative et sert véritablement le récit ainsi que ses personnages.
En comparaison d’un certain cinéma parfois trop « Tarantinesque », ce film nous réconcilie avec une certaine épure portée disparue avec le cinéma muet.
Ce film est donc véritablement « à voir ».
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