Seize millions de dollars. Non, ce n’est pas le montant d’un golden parachute que touchera demain un patron du CAC 40, mais le prix auquel Napoléon Bonaparte céda la Louisiane en 1803 à la toute jeune nation des Etats-Unis.
Ce début de siècle est aussi marqué par l’apparition de nouveaux métiers aussi mythiques que lucratifs qui accompagnèrent le développement de la civilisation américaine : chercheurs d’or, cow-boys et autres trappeurs marqueront à jamais l’imaginaire collectif du Grand-Ouest sauvage.
La construction de l’identité américaine va aussi de pair avec la déconstruction des cultures indigènes : nos fameux «peaux-rouges» souvent dépeints comme sauvages et sanguinaires. À propos de leur humeur belliqueuse, il est vrai que le principal reproche qui leur ait été adressé fût leur propension à vouloir défendre leur mode de vie millénaire… Et pour cause : ces terres les hébergent (rappelons que les notions de propriété et de nature ne font pas bon ménage dans la culture indienne) depuis des siècles.
Frenchman, c’est aussi l’histoire de la genèse de cette vaste Amérique emprunte de liberté, d’espoir et de massacres. Pour autant, Patrick Prugne ne nous raconte pas une énième aventure de cow-boys et d’indiens car ses principaux protagonistes sont aussi français, soldats de la Grande Armée ou encore canadiens (les fameux frenchmen).
L’Amérique s’est avant tout construite sur les bases d’une véritable chorale d’identités et de motivations. Les adeptes du grand voyage ne cherchaient pas toujours de l’or, mais aussi un peu d’espoir, de bonheur ou tout simplement l’ailleurs.
Pour d’autres encore, immigration pouvait rimer avec rédemption. C’est le cas de Louis de Mauge, jeune aristocrate normand parti racheter là-bas son honneur bafoué par un père peu scrupuleux. Mais si l’on sait pourquoi on part, on peut difficilement prévoir les raisons de son ancrage…
Au-delà de ce scénario original à caractère historique – soulignons dès maintenant l’excellent travail de recherche par l’auteur sur cette époque -, cette aventure est servie par une nature sauvage et grandiose, magistralement dessinée à grands coups d’aquarelles. Le rendu est superbe et l’on comprend que les planches originales soient exposées dans une galerie d’art (1).
Merci aussi à Patrick Prugne pour ses planches bonus à la fin de l’album. On y découvre son travail de recherche graphique ou encore son cheminement pour le choix, ô combien difficile, de la couverture.
Cet épilogue évoquant un processus de création artistique est un excellent remède contre le blues du lecteur qui achève une très bonne histoire.