A priori, Louise Wimmer avait tout du projet casse-gueule : alibi social, esthétique semi-documentaire, performance d’actrice qu’il faut saluer comme il se doit à moins d’être soupçonné de mauvaise foi… Un film pour lecteurs de Télérama et spectateurs des réseaux Utopia, en quelque sorte. Pourtant, très vite, Louise Wimmer déjoue tous ces pronostics – nul pathos que laissait craindre le sujet, point de caméra à l’épaule comme moyen commode de signifier le réalisme du projet – et fabrique sa propre matière de cinéma qui ne se situe pas forcément là où on l’attendait, mais plutôt du côté du film noir et du survival que de celui de Ken Loach et des frères Dardenne.
Le film fonctionne comme une sorte de manuel de survie où chaque geste de la vie quotidienne est une forme de combat en soi : comment dormir, se laver, manger, échanger de la monnaie, mettre de l’essence dans sa voiture quand on n’a pas de chez soi ? Cyril Mennegun développe une esthétique des stations service, des parkings, des cash converters, des boxes de stockage, des cafétérias, des chambres d’hôtels, des parkings, des PMU… Tous ces lieux de passage où Louise Wimmer élit domicile et à force de rapines et de petites combines, puise les ressources (alimentaires, financières, humaines) qui lui permettent de rester en vie, maintient quelques liens sociaux qui lui évitent de sombrer dans la marginalité la plus totale.
Dans ce système précaire, tout fait suspense : Louise va-t-elle se faire surprendre à siphonner l’essence d’un poids-lourd, sa voiture va-t-elle démarrer ? Cyril Mennegun organise ainsi chaque séquence comme des blocs de mini tension et évite le côté réalisme social auquel le film semblait pourtant condamné, pour en faire une véritable expérience physique et sensorielle. En faisant de Louise une accidentée de la vie que son divorce a précipité au ban de la société, Cyril Mennegun nous la rend d’autant plus familière. Et cette proximité permet d’imaginer le mince espace qui sépare une vie dite normale d’une existence vécue dans la marginalité.
Il fallait une grande actrice pour incarner un tel personnage : Corinne Masiero est, il faut l’admettre, parfaite et étonnante dans un rôle difficile. Atypique pour le moins, jamais dans la plainte, fière et orgueilleuse, elle est pour beaucoup dans la réussite du film. Toujours au bord de la rupture, ni sympathique ni détestable, on n’en voit le sourire lumineux qu’au bout d’une longue traversée du tunnel. Fin ô combien paradoxale : Louise a enfin obtenu un logement social, dans une tour HLM d’une cité de banlieue, synonyme pour elle de nouveau départ. Mais n’est-ce pas seulement une victoire d’étape, qui ne signifie pas pour autant la fin de tous ses soucis, de la précarité, mais le début seulement d’un parcours de reconstruction. Le combat continue.
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