Quand on entre au Bikini pour la deuxième soirée du festival des Inrockuptibles, la salle est très clairsemée. La faute sans doute à une programmation qui misait beaucoup sur l’effet locomotif de sa tête d’affiche – Michael Kiwanuka – qui, s’il a reçu un accueil critique absolument incontestable et mérité, ne déplace pas encore massivement les foules. D’autant plus que pour le reste de l’affiche, ce sera pour beaucoup de monde des découvertes, seuls les plus curieux auront fait le déplacement.
The Bots ont déjà démarré leur set, pied au plancher. Les deux frangins dont les âges additionnés n’atteignent pas la trentaine livrent une prestation très nerveuse, un punk rock très sec et direct, guitare/ basse, qui enthousiasme les quelques spectateurs présents. Ils sont très attachants, ont apporté leurs planches de skate avec eux et le batteur place un hollie entre deux morceaux. Le concert, sous influence hendrixienne, promet beaucoup pour ces jeunes prodiges excessivement talentueux.
Nostalgie : telle pourrait être le maître mot de la soirée. Wild Belle tire ses racines musicales aussi du côté des années 70, mais plutôt vers une tendance folk – reggae assez groovy. Natalie Bergman, la chanteuse à la voix nasillarde, demande à la régie de baisser la lumière de scène. C’est vrai que l’obscurité convient bien au groupe, c’est de la musique de club, sur du velours, propre sur elle, mais finalement très inoffensive même si le groupe semble revendiquer un héritage neo hippie. Natalie Bergman a peut-être fumé la moquette si l’on en juge son attitude un peu perchée, mais un fossé la sépare du modèle Amy Winehouse pourtant en ligne de mire.
Changement de style avec Willy Moon, on remonte le temps pour s’arrêter dans les années 50 du twist et du rockabilly. Le sosie de Matt Smith – vous savez, le plus récent Doctor Who en date – costume noir ultra slim et cheveux gominés brule les calories comme à une séance de Pump à Movida. Sa guitariste, attifée comme Mortisia Adams et la batteuse qu’on jurerait toute droit sortie de Beetlejuice ont des airs gothique. Ambiance à la Tim Burton donc, pour un show bourré d’énergie et très théâtral.
On déroule le tapis pour Michael Kiwanuka dont l’installation n’occupe qu’une petite partie de la scène, proche du public, pour plus d’intimité. Dès qu’il monte sur les planches du Bikini et qu’il s’empare de sa guitare pour dérouler sa soul magnifique et intemporelle, on comprend l’engouement autour de sa jeune personne. Michael Kiwanuka a un talent immense, une voix superbe, la classe, mais tout en humilité et modestie. Ce fils spirituel d’Otis Redding, qui pourrait reprendre le flambeau de Ben Harper, joue une musique vintage sans la figer dans une forme d’adoration idiote et obsolète. Au contraire, il invente de nouveaux classiques instantanés, comme ce Tell me a tale qui fait revivre l’esprit de la Motown en évitant le piège du vulgaire copiste récitant ses gammes. C’est beau, on a ce sentiment d’assister à un moment privilégié et définitivement hors du temps.
Photo : Frédéric RACKAY (tous droits réservés)
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