Albator 1978, Albator 1984, Galaxy Express 999, Gun Frontier, Cosmowarrior Zero, Harlock Saga, L’anneau des Libelungen, Maetel, l’univers développé par Leiji Matsumoto autour du fameux Capitaine Corsaire est très vaste, complexe et d’une très grande richesse, se basant sur les légendes et la mythologie populaires (notamment nordiques et grecques) ou les opéras de Wagner. Pour beaucoup, les souvenirs de jeunesse liés au personnage datent du début des années 80 où la série télé était diffusée sur Récré A2. Pourtant, en revoyant ces épisodes aujourd’hui, on est étonné de constater le côté très dark et mélancolique du programme – comparé à la production animée proposée au jeune public d’aujourd’hui – malgré un humour omniprésent fondé sur le personnage burlesque de Yattaran, tout en rondeur et bonhommie. On retrouve tout l’équipage de l’Arcadia dans cet Albator, corsaire de l’espace, premier film de la franchise depuis trente ans, qui doit réussir un double pari : conquérir toute une nouvelle génération de spectateurs en proposant un spectacle capable de rivaliser techniquement avec ce qui se fait de mieux en matière d’effets spéciaux, tout en séduisant les nostalgiques de la saga qui sont familiers de l’univers, des thématiques et des personnages. Au regard du résultat, il n’est pas certain que le film parvienne à concilier ces deux impératifs.
En termes d’effets spéciaux, Albator, corsaire de l’espace repose sur une animation 3D qui pousse le photoréalisme à son plus haut degré de détail et de précision, qu’il s’agisse des décors, des textures, des costumes, de la gestion de la lumière comme des expressions faciales. On est proche (dans l’idée) de Final Fantasy – Les créatures de l’esprit, sauf qu’entre les deux, plus de dix ans se sont écoulés et que les logiciels ont considérablement évolué. Et là où l’adaptation du célèbre jeu vidéo peut aujourd’hui passer pour une cinématique de luxe un peu anachronique, le film de Shinji Aramaki est assez bluffant dans son rendu qui pourrait s’apparenter sans hésiter à du cinéma live. Mais l’exploit technique – aussi indéniable soit-il – fait-il pour autant un bon film s’il n’est pas mis au service d’une vision précise de cinéaste, avec un sens aigu de la caractérisation des personnages, du découpage et de la narration ? Pas sûr. En l’occurrence, l’aspect très accompli visuellement du film entrant même en contradiction avec l’esprit originel poétique et romantique de Matsumoto. Certes, Shinji Aramaki permet un upgrade des personnages plutôt bienvenu, le character design est réussi mais fige a contrario les protagonistes dans des postures unidimensionnelles qui refusent toute profondeur psychologique.
Si Albator est toujours ici un être sombre, mélancolique et rongé par la culpabilité, il est surtout signifié dans des pauses iconiques à souhait, très cinématographiques mais qui se limitent à leur simple fonction de money shots pour bandes-annonce. On sent que Shinji Aramaki a beaucoup de mal à concilier les impératifs du space opera spectaculaire, avec ses batailles sidérales – globalement réussies dans leur comparaison à la piraterie, amarrage et abordage – et les enjeux psychologiques, politiques, scientifiques ou métaphysiques. Dénué du moindre humour, le film a du mal à résoudre tous ses fils narratifs, dans une énigme à tiroir très compliquée qui voit trop grand, brasse trop de concepts et se prend trop au sérieux. Dans ce grand écart permanent – entre le respect du matériau d’origine et son ambition narrative et formelle démesurées -, il n’est pas sûr que les néophytes comme les familiers de la saga y trouvent leur compte, et Albator, corsaire de l’espace se perd in fine dans le vide intersidéral.
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