Avec Jackie, Pablo Larrain dresse un saisissant portrait de femme face à la mort.
22 novembre 1963, John Fitzgerald Kennedy est assassiné d’une balle dans la tête à Dallas dans des circonstances qui ne seront jamais totalement élucidées. Il avait 43 ans.
Cet assassinat constitue résolument l’un des moments les plus marquants de l’histoire contemporaine et sans doute l’un des plus fascinants. Le cinéma, comme la littérature lui ont consacré de nombreuses œuvres, plus ou moins réussies.
Pour autant, l’analyse de cette séquence historique n’est pas le sujet du film de Pablo Larrain.
Le cinéaste prend le parti d’esquiver un énième film dossier et choisit le contretemps. Il n’y a de Kennedy que l’événement en lui-même, catalyseur d’un basculement de l’intime. Et c’est ce basculement qui intéresse le réalisateur, l’histoire d’un changement brutal et inattendu dans l’intimité d’une femme.
Il propose donc en guise de sujet l’autopsie d’une jeune femme, l’autopsie de sa douleur, l’autopsie de Jackie Bouvier, mariée Kennedy (Natalie Portman stupéfiante).
Jackie n’est pas un biopic mais plutôt un essai sur une séquence très courte, quelques jours seulement entre la mort d’un homme que l’on aime plus que tout et ses obsèques.
Alors pourquoi choisir de faire ce portrait adossé à l’histoire des Kennedy ? On peut légitimement s’interroger sur cette intention qui positionne le film dans une catégorie qui n’est pas vraiment la sienne.
Ce choix est au contraire d’une grande justesse.
Le personnage public qu’est Jackie, cette mère de la Nation, permet au cinéaste d’ouvrir un autre champ, celui de la vérité. Comment concilier le privé et le public dans de telles circonstances, comment se réfugier dans la vie face à l’imitation de la vie, comment maintenir une forme de mémoire sans s’y noyer ?
L’autopsie voulue par le cinéaste questionne, au fond, de manière complexe, l’intime et la vérité.
Le film prend alors une dimension vertigineuse, quasi mystique. Ce mysticisme devient littéral dans les moments de confession de Jackie à un prêtre (John Hurt), loin des clichés généralement attendus.
L’idée, très belle, d’autopsie se traduit aussi dans le découpage du film et sa mise en scène.
Même si la séquence est courte, quelques jours seulement, Pablo Larrain fait le choix d’une exploration narrative en tramant une toile où chacun des fils confronte les contradictions de l’intime et de la vérité. Le film devient un objet mental aux ramifications ténues.
Venise a d’ailleurs consacré le scénario du film d’un prix mérité lors de sa dernière édition.
La direction artistique du film est par ailleurs magnifique. Elle alterne les séquences de reconstitution sans tomber dans le vintage factice avec des scènes presque naturalistes transcendées par le visage expressionniste de Natalie Portman. Il oppose la netteté des souvenirs de Jackie au grain des archives. L’usage de la musique, pourtant très présente, amplifie le côté crépusculaire du film et lui donne une véritable épaisseur dramatique.
Et que dire de Natalie Portman ? Elle rayonne dans ce rôle à la fois introspectif et pris dans le flux des événements mêmes.
Avec ce premier film en langue anglaise, Pablo Larrain signe une œuvre singulière et puissante et offre à son actrice son plus beau rôle à ce jour.
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