«Vous êtes des privilégiés, Mesdames, Messieurs ! J’ai refusé cette interview à des dizaines de journalistes». Voici en substance les mots d’accueil du directeur du Gaumont de Toulouse qui introduisirent cette conférence de presse un peu particulière…

Officiellement, l’objet principal de cette réunion est la rencontre de la presse locale avec Jean Dujardin, Gilles Lellouche et Nicolas Bedos, les auteurs et comédiens du film Les infidèles. Mais le nombre de questions adressées à l’ex Loulou sur son succès du moment explique certainement cet engouement journalistique que Maïwenn ou Robert Guédiguian ont un peu moins suscité dans la ville rose, l’année dernière.

«Je n’ai pris aucun risque avec les infidèles»

Très rapidement le film The artist fait son apparition dans la conférence. Les questions fusent sur l’articulation entre les personnages joués par Jean Dujardin dans les deux films…

Jean Dujardin : Les infidèles ont été imaginés bien avant The artist. Il n’y a absolument aucun lien entre ces deux films, je n’ai pas décidé de faire l’un en réaction avec l’autre. Il ne s’agit donc pas de casser une image que l’on m’aurait collée ou de prendre un risque quelconque car j’aime le métier de comédien pour toute sa diversité de jeux. Concernant cette pression dont tout le monde parle, c’est vraiment un phénomène journalistique, car c’est vous qui mettez la barre si haut pour moi. The artist va plus vite que nous. Les oscars, c’est proche et c’est loin. Je ne veux pas y penser. Personnellement je suis et je resterai un acteur français. Si j’ai l’Oscar du meilleur acteur tant mieux, mais de toute façon je ne perdrai rien !

… Et la polémique n’est pas loin. La fameuse question autour du parasitage des infidèles et de ses affiches à scandale sur son statut d’Oscarisable tombe. On sent alors un agacement ostensible dans le ton :

JD : Je n’entretiendrai pas la polémique en répondant à cette question, car en parler c’est lui donner corps et cela n’en vaut vraiment pas la peine.

«Les affiches sont de mauvais goût, c’est vrai, c’est nous qui les avons imaginées»

À propos des controverses occasionnées par le film et par sa campagne de communication, c’est toute l’équipe qui se mobilise.

Nicolas Bedos : Ca devrait vous réjouir, les affiches, ce coté grivois, cette liberté d’expression et ces risques pris par les acteurs. On croirait entendre un jugement moral derrière vos questions. Au contraire vous devriez être fiers, vous la presse, de voir ces acteurs faire des choses comme ça.

JD : Ce sont avant tout les situations qui ont guidé les images. Nous ne sommes pas particulièrement exhibitionnistes avec Gilles, mais on ne voulait rien cacher. Il s’agissait d’aller au bout des choses, un peu à la Bertrand Blier. Ce n’est pas une comédie qui se regarde entre 7 et 77 ans et nous assumons les scènes de sexe assez explicites. Concernant les affiches, nous avons souligné délibérément le côté «comédie pour adultes» comme un avertissement. C’est une promotion pour attirer un public adapté.

Gilles Lellouche : les affiches sont de mauvais goût, c’est vrai, c’est nous qui les avons imaginées ! C’est avant tout pour donner le ton de cette comédie, c’était vraiment sans arrière-pensée polémique.

Et pourtant cette campagne de publicité ne relaye pas les aspects intimiste et dramatique de quelques sketches.

JD : C’est de la pub avant tout, car on devait rester lisible pour attirer les amateurs de comédie. Cela aurait été difficile de mettre en avant les sketches plus intimistes comme La question par exemple, les gens n’auraient pas compris. Et puis moi, je déteste voir les bandes-annonces qui racontent les films, là au moins on peut être surpris !

GL : Et c’est une excellente façon d’amener les amateurs de comédie vers un autre cinéma.

Quant à une certaine image de la femme qui est réduite au statut de fesses sous minijupe, l’équipe ne comprend vraiment pas les critiques…

JD : C’est une blague ce film, on a voulu se marrer avant tout. Certains sketchs décrivent des personnages ultra-beaufs. Ce ne sont pas nous et encore moins notre façon de penser, ce sont des rôles !

GL : C’est justement ce machisme que nous dénonçons avec les personnages grotesques que nous interprétons et ce n’est absolument pas ce que nous sommes ! D’ailleurs ce qui fait rire dans la comédie, ce sont bien les mauvais sentiments et non les bons.

Le film est donc une comédie engagée… Une seule femme, Emmanuelle Bercot, a contribué à sa réalisation. Encore une pierre à ajouter dans le jardin des infidèles ?

NB : «S’il n’y a qu’une seule femme – Emmanuelle Bercot – c’est le fait du hasard, elle a été choisie pour ses talents de réalisatrices et non pour son sexe. On ne va pas non plus organiser la parité dans le cinéma, cela n’a pas de sens».

Certes M. Bedos, mais rappelons tout de même cet aphorisme de Pierre Desproges : «On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui». Cela serait certainement mauvais procès que d’affirmer que cet humour préhistorique flattera probablement les plus bas instincts des mâles dominants attirés par les affiches…

«Ce fut un travail très communiste»

Sur la genèse du film, les trois copains nous révèlent avant tout un projet imaginé initialement entre amis, autour de quelques dîners informels.

JD : C’était une envie de renouer avec le film à sketches, avec beaucoup de liberté, comme un hommage au cinéma de Dino Risi et à ses comédies à l’italienne des années 60. C’est aussi une envie de travailler avec mon camarade Gilles Lellouche et d’autres amis réalisateurs. On a travaillé autour d’une vingtaine d’histoires de manière très informelle. Puis, avec le travail, certaines d’entre elles se sont éteintes rapidement.

GL : On a malheureusement pas tout gardé afin de maintenir une cohérence et un équilibre entre les sketches. L’histoire courte avec ma femme (Mélanie Doutey – NDLR) et réalisée par Jan Kounen n’a pas été retenue car son côté fantastique, voire d’horreur, la rendait orpheline.

JD : L’ordonnancement des sketches et l’agencement des pastilles entre elles furent vraiment un casse-tête. L’ordre n’arrêtait pas de changer et cet équilibre général fut long à trouver.

GL : Globalement, ce fut un travail très communiste car beaucoup de personnes, du monteur au chef opérateur sur certaines histoires ont pu aussi contribuer à ce projet.

Épilogue

Après la conférence, Jean Dujardin me demande avec candeur en regardant les journalistes femmes qui ont souligné les accents misogynes de quelques sketches : « C’est vrai ? Elles ont vraiment trouvé ce film macho ? »

Chers lecteurs, la rédaction a décidé de vous laisser répondre à cette question si vous allez voir le film…

Propos recueillis le 16 février à Toulouse

Les infidèles, sortie le 29 février

Note: ★★☆☆☆

partager cet article