Le film
Paul, la petite cinquantaine, est un cadre de banque à la carrière irréprochable. Embauché dans son entreprise il y a plus de 20 ans, il a su gravir les marches de la hiérarchie à force de travail et de «flair», comme il aime le dire. Un véritable salarié modèle qui décide pourtant, «de bon matin», d’occire à coup de balles 9 mm, ses deux principaux chefs…
Coup de folie ? Pulsion meurtrière subite ? Que nenni ! le film s’emploie justement à nous faire découvrir la complexe «fabrique de sentiments», non pas amoureux comme explorée précédemment dans le film éponyme de Jean-Marc Moutout, mais destructeurs, qui pousse ce banquier ordinaire à commettre ce geste extraordinaire.
Comment traduire la genèse de cette souffrance ? Une première lecture renverrait la faute à la nouvelle équipe managériale de la banque. Embauchée après la fameuse crise des «sub primes», elle a pour mission d’assainir la clientèle tout en augmentant la productivité et les profits. (LIRE LA SUITE)
Le dvd
Pour un film qui traite du monde cruel du travail, on serait tenté d’affirmer que les suppléments de l’édition dvd de De bon matin ont pris leurs RTT : seulement 15 minutes d’analyse dans un bonus un peu pompeusement intitulé Jean Douchet regarde De bon Matin. Où l’exercice a priori austère de décryptage des images, des signes et des motifs du film devient très vite passionnant tant les propos du cinéaste, critique et historien du cinéma sont pertinents et éclairants. Notamment dans une comparaison de la première séquence telle que filmée au début et à la fin du film, les subtils changements d’angles de la caméra signifiant le chemin parcouru par le personnage de Paul et la façon dont il assume l’acte qu’il prémédite.
Techniquement, c’est du solide ! Le transfert respecte la photographie froide du monde de la banque, avec une dominante de teintes blanches et bleutées qui signifie le côté glacial de l’atmosphère. A contrario, les scènes domestiques et familiales sont plus chaudes. Le format 2 : 35 : 1 respecté permet d’apprécier le magnifique travail sur le cadre de Jean-Marc Moutout, d’une précision géométrique, qui isole les personnages dans le décor dont les surfaces sont filmées comme les parois d’une prison. Aux plans larges alternent de très gros plans sur les visages, notamment celui de Paul, souvent filmé de profil ou de ¾ arrière avec un jeu de profondeur de champs qui le projette dans le flou de l’image, notamment dans les face à face avec Fisher, son supérieur qui précipite sa chute professionnelle.