La place de la femme dans la société japonaise a toujours été l’un des sujets-phares de Mikio Naruse. Désigné comme réalisateur féministe pour sa représentation de la femme dans des situations bien loin d’être idylliques – mais remplies de vérité -, il offre encore une fois un portrait du personnage féminin profond et touchant dans Le Grondement de la Montagne. Parue en 1954 et adaptée de l’œuvre littéraire du même nom, écrite par Yasunari Kawabata (l’histoire est parue sous forme de chapitres, entre 1949 et 1954), cette comédie dramatique aborde le thème de la situation de la femme, certes, mais aussi de sa relation avec l’homme et également des rapports à travers les générations.
Dans la banlieue de Tokyo, Kikuko (interprétée par Setsuko Hara, surtout connue pour ses rôles dans les films d’Ozu) vit avec son mari, Shûichi et ses beaux-parents. Lui, travaille dans la société que dirige son père et elle, reste au foyer, se mettant au service de toute la maisonnée en offrant ses services d’excellente cuisinière et de ménagère. Très rapidement, on découvre le caractère de Kikuko: c’est une femme souriante, bienveillante, et prête à tout pour combler sa famille. Son beau-père, Ogata (interprété par So Yamamura), est le personnage qui nous offre son point de vue durant toute l’intrigue. Il est attentionné et présent pour sa belle-fille. Tout ce que n’est pas Shûichi : ce dernier trompe sa femme avec une certaine Kinuko. Quand son père lui demande pourquoi, il répond simplement que « l’une est un torrent, l’autre un lac ». Cette comparaison en dit long sur le personnage de Shûichi qui, déjà lassé par la monotonie du mariage, est tenté par tout ce qui différerait un minimum de son quotidien.
Durant tout le film, Kikuko n’est pas respectée. Que cela soit subtilement par sa belle-mère qui jalouse la relation pleine de bonté et d’amitié qu’elle entretient avec Ogata ou bien sa belle-soeur qui envie sa beauté ou encore, son mari qui la compare à une enfant et qui n’a pas peur de dire du mal d’elle en personne, les remarques désobligeantes fusent. Et pourtant, Kikuko reste cette femme bienveillante, au service de chacun. Un bain est toujours prêt au retour de son mari, elle est toujours à cuisiner ou à faire un thé dans la cuisine pour autrui et s’occupe des enfants de Fusako, sa belle-soeur, comme si c’était les siens.
Alors que son mariage décline, que les infidélités de Shûichi se font moins discrètes et que ses remarques se font plus piquantes encore, la relation qu’entretient Kikuko et son beau-père, elle, s’intensifie. C’est en effet un lien très particulier, plein de non-dits. Ils tiennent l’un à l’autre et jusqu’au bout, on ne sait pas si c’est de l’amitié ou de l’amour. La limite entre les deux n’est claire ni pour eux, ni pour le spectateur. Jusqu’à la fin, c’est une grande interrogation qui plane sur le destin de ces deux personnages qui n’ont que de l’affection et de la sympathie l’un pour l’autre.
Le Grondement de la Montagne est un film qui offre un portrait très réel de la société japonaise de l’époque et paradoxalement, il en donne une image très en avance sur son temps. Même le sujet de l’avortement est abordé, devenant même un thème récurrent dans l’histoire, que cela soit par rapport à Kikuko ou à Kinuko, la maîtresse. C’est un film touchant, rempli de réalisme et de dureté qui est à la hauteur du génie d’un réalisateur tel que Mikio Naruse.
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